Mes recherches doctorales et post-doctorales ont été centrées sur l'étude des professions enseignantes, de leurs publics d'apprenants et sur la façon dont leurs spécificités respectives influent sur les pratiques pédagogiques mises en œuvre, tant au niveau des contenus que des méthodes d'enseignement. En s'intéressant à différentes disciplines telles que la philosophie, l'histoire, la sociologie, la science politique, elles relèvent ainsi de l'histoire des sciences, humaines et sociales.

Commencées dans le cadre d'une thèse consacrée au Centre universitaire expérimental de Vincennes ouvert, à partir de l'été 1968, à un public comprenant une part importante de non bacheliers (autour de 20%), ces recherches sont conduites dans le souci de contribuer à la connaissance des pratiques d'enseignement susceptibles de contribuer à une démocratisation de la réussite scolaire et à l'amélioration de l'accès aux apprentissages, aux savoirs, à la culture et aux arts. J'ai d'abord étudié et comparé les pratiques pédagogiques dans des départements de différents établissements de l'enseignement supérieur, durant les années 1970, (les universités de Vincennes, de Nanterre, de Paris 1, de Dauphine et "Science Po" Paris), en les considérant sous l'angle de la spécificité de leur discipline mais aussi des propriétés sociales et scolaires de leurs enseignants et étudiants.

A la faveur d'un recrutement en ESPE, j'ai étudié les professeur.e.s des écoles, leur recrutement social et scolaire et leur formation. Chargée d'évaluer les effets de la mise en place d'un dispositif de formation expérimental sur le site d'Antony de l'ESPE de l'académie de Versailles, j'ai mené une enquête quantitative sur toute la promotion d'étudiant.e.s en M2 MEEF 1 du site d'Antony de l'ESPE de l'académie de Versailles. 241 professeur.e.s des écoles stagiaires ont ainsi été interrogé.e.s par questionnaire sur leur trajectoire sociale, scolaire et professionnelle, leurs conditions de travail actuelles et leurs représentations de leurs compétences professionnelles, ainsi que de la formation dont ils.elles bénéficient (ils.elles relèvent de deux dispositifs distincts dont un "expérimental", dont ma recherche a pour objectif d'évaluer la pertinence). Les résultats du questionnaire montrent que les spécificités du dispositif expérimental de formation des professeur.e.s des écoles stagiaires, qui tiennent à une alternance spécifique entre stage en responsabilité et formation universitaire (de 3 semaines/3 semaines, au lieu de 2 jours/2 jours), à une collaboration plus étroite des formateurs universitaires entre eux mais aussi avec les "formateurs terrain", et à une approche par compétences, transversale accordant moins de place à une approche disciplinaire, semblent plus propices à l'acquisition des savoirs, savoir-faire et savoir-être du métier que le dispositif "classique". Au-delà de l'évaluation de ce dispositif expérimental de formation, cette recherche a pour but de mieux connaître ce public étudiant afin de pouvoir répondre au mieux à ses attentes, en formation initiale comme continue, en promouvant une plus grande individualisation des parcours, au moyen notamment d'enseignements de remédiation. Son objectif est donc à la fois heuristique et pratique.

Outre cette recherche que j'ai pu mener directement, j'ai entrepris de faire travailler tou.te.s les étudiant.e.s de M1 MEEF 1 du site d'Antony de l'ESPE de l'académie de Versailles, à qui j'enseigne notamment "L'initiation à la recherche", sur les situations professionnelles problématiques. A partir de la réalisation d'entretien avec des professeur.e.s des écoles sur ce thème, ils ont été conduits à réaliser des comptes rendus de recherche mêlant mobilisation de travaux scientifiques et témoignages des enquêté.e.s. L'ensemble des 92 entretiens menés par ces étudiant.e.s donne une idée des difficultés professionnelles que peuvent rencontrer les professeur.e.s des écoles au quotidien, concernant tant la gestion du comportement de leurs élèves et de leurs apprentissages, que la relation aux parents, aux partenaires, à leur hiérarchie et à leurs collègues. 

Mes méthodes d’enquêtes articulent approches qualitatives (entretiens, archives, observations, analyse de documentation) et quantitatives (questionnaires, analyses statistiques).

Jury :

• Mme Brigitte Gaïti, Professeure d’Université, Paris 1 Panthéon-Sorbonne, (présidente)
• M. Laurent Jeanpierre, Professeur d'Université, Paris 8 Vincennes-St-Denis, (rapporteur)
• M. Bernard Pudal, Professeur d’université émérite, Paris 10 Nanterre, (directeur de thèse)
• M. André Robert, Professeur d’Université, Lyon 2, (rapporteur)
• M. Charles Soulié, Maître de Conférences, Paris 8 Vincennes-St-Denis (examinateur)

Relevant de l’intérêt renouvelé de l’histoire sociale pour la période des « années 1968 », ce travail cherche à comprendre à la fois les conditions de possibilité de la création d’une institution telle que le « Centre universitaire expérimental de Vincennes » et comment celle-ci a été initialement façonnée par les investissements pratiques et les projections de ses concepteurs, fondateurs et premiers acteurs. A la croisée de la sociologie des politiques publiques éducatives et de l´histoire sociale des champs intellectuels, la socio-histoire de cette expérience universitaire participe de la connaissance des effets de la crise symbolique sans précédent de Mai 68, et offre une voie d´entrée à l´histoire des idées qui prend en compte simultanément les acteurs mobilisés et mobilisables que sont les étudiants et les enseignants, et leurs négociations avec le pouvoir politique.

A l’échelle macro-sociologique, cette recherche s’attache à éclairer les logiques qui président au développement morphologique et symbolique de l´Université, très rapide et important durant les années 1950-1960, et participe de la connaissance du fonctionnement de l’Etat et du pouvoir politique en conjoncture de crise. A l’échelle micro-sociologique, elle se veut attentive aux logiques d’action des acteurs sociaux et aspire à comprendre comment et pourquoi, suivant quels représentations, dispositions et intérêts, les acteurs (individuels et collectifs) investissent leurs rôles et « métiers » (de hauts fonctionnaires, responsables politiques, « intellectuels », enseignants-chercheurs, étudiants), sans sous-estimer les contraintes qui pèsent sur eux.

Ce travail s’appuie sur des matériaux complémentaires (archives, entretiens, biographies, statistiques) qui permettent de mettre en perspective « données quantitatives » et « données qualitatives », et de renseigner les deux échelles d’analyse.

La thèse commence par étudier les transformations de la scolarisation durant les années 1950-1970 et leurs effets sur le déplacement des frontières symboliques du système scolaire ainsi que sur les carrières des enseignants, notamment du supérieur. La première partie se poursuit par une analyse de la politique scolaire et des protagonistes du débat sur les réformes scolaires au cours de la de la Libération à Mai 68, fondée sur le dépouillement d’archives et la réalisation d’entretiens avec des responsables de la politique scolaire de l’époque. Le contexte dans lequel ont pris racine les évènements de "mai-juin 1968" une fois éclairé, je me suis ensuite attachée à rendre compte de leur éclatement dans le cadre universitaire et de leur propagation, inégale, dans les différentes universités et disciplines. Une étude détaillée des revendications universitaire exprimées au sein de la Sorbonne occupée m'a permis de mettre en relief des spécificités disciplinaires, notamment concernant la préoccupation de la "professionnalisation" des études, écartée en philosophie et sociologie mais affirmée en psychologie. Des archives de responsables de la politique scolaire et des entretiens avec l'un des conseillers du Ministre de l'éducation nationale, Edgar Faure, nommé en juillet 1968 pour faire face à la mobilisation universitaire, m'ont permis de montrer qu’elle avait été la stratégie de sortie de crise du pouvoir politique. En dépit de ruptures certaines dans la politique d’enseignement supérieur, avec des mesures exceptionnelles (« loi Faure », budget décuplé, créations universitaires parmi lesquelles trois centres universitaires expérimentaux dont Vincennes), j’ai ainsi pu repérer des continuités dans la politique gaullienne à l’égard de l’enseignement supérieur, et ce en dépit de la crise universitaire de « 68 ».

Les conditions de possibilité  de la création du "Centre universitaire expérimental de Vincennes" ayant été éclairées, la thèse présente ensuite une analyse du processus de cooptation de la première équipe enseignante et de ses incidences sur la composition intellectuelle, sociale et politique des différents départements disciplinaires, et leurs rapports de force, en mettant en relief les réseaux (scolaires, professionnels, politiques, intellectuels) qui ont alimenté les recrutements des 242 premiers enseignants de Vincennes. J'étudie ensuite le rôle de différents acteurs dans la mise en œuvre de Vincennes, celui de ses fondateurs universitaires et ses premiers enseignants et étudiants.

Mots clés : Mai 68 ; éducation ; Vincennes ; politique publique ; génération scolaire ; Université ; enseignement supérieur ; politisation ; disciplines académiques.