Isabelle Bruno
Présentation
Habilitation à diriger des recherches (soutenance le 02/12/2024, ENS Paris-Saclay)
Présentation du dossier d'habilitation :
La clôture et l’étalon. Arpenter les lignes du pouvoir en sociologue de l’appropriation et de la quantification.
Deux volumes composent ce dossier d’habilitation à diriger des recherches.
Outre une sélection de publications parues entre 2008 et 2024, le premier volume (407 p.) comprend un mémoire de synthèse présentant la trajectoire suivie depuis la soutenance de thèse, les apports des recherches menées ainsi que les travaux en cours et les perspectives qu’ils ouvrent. L’ensemble trace un itinéraire de recherche qui a cheminé des bureaux de Saint-Gobain à La Défense à ceux du California State Coastal Conservancy à Oakland, des directions générales de la Commission européenne aux entrepôts de Xerox perdus au nord de l’État de New York, des services statistiques ministériels français aux établissements de plage dans la baie de Pampelonne. Sur chacun de ces terrains, l’enquête a interrogé les rapports sociaux de pouvoir et de résistance, leur matérialité et leur productivité. Du pouvoir de classer à celui d’exclure, du « statactivisme » aux conflits de propriété, de l’étalon qui crée des écarts à la clôture qui tient à l’écart, elle a examiné comment les pratiques de quantification et les processus d’appropriation contribuent à produire les inégalités sociales et les ressorts de leur contestation.
Le second volume (545 p.) est un manuscrit inédit intitulé Quand la mer monte, à qui appartiennent les plages ? L’affaire Martin’s Beach : enquête socio-historique sur le pouvoir d’appropriation des rivages et les résistances de l’indisponible (1838-2024). Cette monographie dissèque un cas d’accaparement privatif d’une plage californienne en tenant ensemble la « double nature » de cet espace, indissociablement milieu vivant et invention sociale, bien désirable et biotope vulnérable. À travers l’exploitation d’archives et de documents judiciaires, d’entretiens et d’observations, d’un corpus de presse et d’un questionnaire, elle examine sur la longue durée par qui et comment les rivages ont été constitués en ressources appropriables, tiraillées entre disponibilité collective, valorisation économique et préservation écologique. Au moment où la raréfaction physique des plages de sable exacerbe la concurrence sociale pour les occuper, les consommer, voire les posséder exclusivement, l’hypothèse d’un mouvement d’enclosure global est ici travaillée à partir d’une configuration conflictuelle locale. L’affaire étudiée permet de livrer une analyse située de l’inégale distribution, structurée par l’ordre propriétaire, des opportunités d’usage du littoral et de leur viabilité. Car l’histoire ne s’arrête pas là. De l’emprise à la déprise, elle prolonge le mouvement de dépossession par la question de l’inappropriable et déplace l’attention des inégalités d’accès vers les conditions socialement différenciées d’un retrait des côtes encore tâtonnant.
Composition du jury :
DELDRÈVE Valérie, Directrice de recherche, INRAE (rapportrice)
HIBOU Béatrice, Directrice de recherche, CNRS (rapportrice)
LAVAL Christian, Professeur émérite, Université Paris Nanterre (rapporteur)
LAFERTÉ Gilles, Directeur de recherche, INRAE (examinateur)
NEWFIELD Christopher, Directeur de recherche, ISRF ; Distinguished Professor Emeritus, UCSB (examinateur)
LEBARON Frédéric, Professeur, ENS Paris-Saclay (garant)