Gilles Leclercq
Parcours
Parcours professionnel
J’appartiens à une génération d’enseignants-chercheurs qui ont eu une activité de recherche étroitement associée à la formation permanente et au développement d’activités pédagogiques. Mon parcours est ponctué d’étapes qui se sont traduites par la soutenance de deux thèses et d’une HDR.
Formation tous azimuts et thèse de 3ème cycle en Économie
Entre 1975 et 1982, je suis intervenu en formation dans des contextes très différents : Maître auxiliaire à mi-temps en LEP (Lycée d’Enseignement Professionnel), chargé de cours et vacataire à l’UER (actuel faculté) de Sciences Économiques et Sociales de Lille en statistiques et en histoire de la pensée économique, formateur en Économie pour l’ESEU (actuel DAEU), formateur en droit au GEPEN (actuel GRETA), en monde actuel (CAP par unité capitalisable) dans l’Action Collective de Formation de Sallaumines avec des Mineurs de fond en reconversion, formateur en Économie avec des salariés agents opérationnels et de maîtrise à EDF, au Crédit Agricole, etc. Au cours de ces expériences j’ai appris que nous étions des individus débordant de valeur ajoutée, et que de ce fait, il nous était souvent difficile de penser simplement. Dans le même temps, entre 75 et 78, j’ai été chargé de recherche au CEREL (Centre de Recherche en Épistémologie de Lille) où j’ai préparé une thèse de troisième cycle en Économie dans le cadre d’un contrat passé avec le tout nouveau ministère de la qualité de la vie. On commençait à se préoccuper des questions de pollution, du traitement des déchets et des dispositifs de tri faisant appel à la bonne volonté. Dans ce cadre, j’ai soutenu une thèse de 3ème cycle (Économie et société) en 1978.
Du département Économie Droit à une thèse nouveau régime en science de l’éducation
En 1981, j’ai été recruté sur un poste de conseiller en formation, qui s’est transformé par la suite en poste d’ingénieur d’études à l’institut CUEEP (Université de Lille I), dans le département Économie-Droit. J’ai beaucoup contribué à la production de produits pédagogiques (Gavroche, EcoBase, VPC quel métier, la Yutopie (bande dessinée), Locomot (Logiciel générateur de situations pédagogiques et intégrateur d'activités de formation) … faisant appel à ce qu’on appelait à l’époque les nouvelles technologies éducatives.
Je suis devenu membre du laboratoire Trigone lors de sa création en 1988. Il a été inauguré par le deuxième directeur de l’institut CUEEP (J. Losfeld) et s’est structuré sous la direction du troisième (A.Dericke), en même temps que se constituait, au sein de l’institut, un département des sciences de l’éducation. Trigone était à l’époque un laboratoire à part entière constitué de trois équipes de recherche (d’où le nom), deux en sciences de l’éducation : Mégadipe (Méthodologie générale analyse des dispositifs de formation et des pratiques éducatives) et Open (enseignement ouvert) et une en informatique : N.o.c.e (Nouveaux Outils de Communication Électronique). Ces trois équipes avaient en commun un champ d’investigation et d’application : la formation continue et l’éducation des adultes. L’équipe à laquelle j’appartenais, Mégadipe, était dirigée par P. Demunter. Nous développions trois axes de recherche : 1. la méthodologie générale et l’épistémologie de la recherche, 2. les dispositifs de formation, 3. les pratiques éducatives.
Tout en assurant la direction du département Économie Droit (1989, 1993), j’ai préparé une thèse en Sciences de l’Éducation. Pour la réaliser, j’ai pris appui sur un dispositif de formation (EcoBase) conçu et développé par le département Économie-Droit pour une entreprise de Vente Par Correspondance. L’environnement était très favorable pour développer cette activité et cela pour trois raisons : 1. l’obligation de formation des salariés (loi de 1971), 2. un engouement pour la formation à l’Économie Générale dans un climat encore travaillé par l’idée de nouvelle société (Chaban-Delors). Il existait à l’époque un laboratoire de pédagogie de l’Économie (IRPEACS CNRS) dirigé par Jean Marie Albertini. 3. Un service formation d’entreprise intéressé par l’usage de l’ordinateur et du jeu en formation.
J’ai soutenu ma thèse en sciences de l’éducation en 1992 (formation de Base en Économie, Conception, Réalisation, Expérimentation et Évaluation d’un outil collectif de formation), en m’efforçant d’associer un dispositif de recherche à un dispositif de formation. Cinquante groupes de stagiaires, 900 salariés, ont été concernés, dans un champ d’investigation assez inhabituel pour les sciences de l’éducation. Après cette expérience, il me restait beaucoup à faire pour apprendre à nouer entre elles une posture de chercheur et celle de formateur. C’est d’ailleurs une des préoccupations majeures de la démarche dispositive.
De l’Institut Universitaire Professionnalisé des métiers de la formation à l’Habilitation à Diriger des Recherches
Après l’obtention de ma thèse en Sciences de l’Éducation, j’ai quitté progressivement le département Économie-Droit pour celui des Sciences de l’Éducation qui se constituait alors. J’ai participé dès l’origine à l’équipe chargée de concevoir et de développer un Institut Universitaire Professionnalisé (IUP) des métiers de la formation. Ce dispositif a accueilli chaque année, pendant 10 ans, entre 120 et 150 étudiants en Deug, Licence et Maitrise. Pour certains d’entre eux, la deuxième année d’IUP jouait un rôle de licence professionnelle avant la lettre, notamment quand ils fréquentaient les dispositifs délocalisés qui se sont progressivement construits avec les Maisons Familiales Rurales (MFR) et les Branches professionnelles CCCA-BTP (Bâtiment) et ANFA (Automobile). Quant aux étudiants qui poursuivaient en maîtrise, ils pouvaient à certaines conditions obtenir le titre d’ingénieur maître et ils ont été de plus en plus nombreux à poursuivre en DESS un peu partout en France.
Entre 2000 et 2006, j’ai assuré la direction de cet IUP (le professeur Clénet a été le premier directeur), en collaboration étroite avec un collègue (D.Delache) et avec le soutien d’un secrétariat très attentif. A la fin de cette période, l’existence des Instituts a été contestée et il a fallu trouver une alternative pour remplacer la fonction professionnalisante de la licence IUP. Pour y remédier, nous avons ouvert une licence professionnelle en lien avec le Service Universitaire de Développement Économique et Social (SUDES) dans une double perspective : l’intervention en formation et le conseil en formation ; ce qui a conduit à nouer un partenariat avec le FONGECIF Nord pas de Calais et sa structure nationale.
Entre 2006 à 2008 j’ai assuré la direction du département SEFA et j’ai contribué avec d’autres collègues à l’intégration de l’IUP dans le LMD. Pendant cette période, la conception et la mise en œuvre de nos dispositifs a toujours été associée à une activité de recherche. Dans le laboratoire, tel qu’il existait à l’époque, j’ai assuré le co-pilotage du thème : analyse et évaluation des politiques et des dispositifs et j’ai préparé une habilitation à diriger des recherches que j’ai soutenue en 2001 : Les relations entre l’agir pédagogique et l’agir des usagers dans les dispositifs de formation. Elle a été suivie par la publication d’un ouvrage en 2002 intitulé : le prescripteur, l’usager et le pédagogue, lire l’agir pédagogique. Celui-ci se présente comme une contribution à un traité de l’agir pédagogique, de l’agir des usagers et de l’agir prescriptif. Il préconise de résister à trois risques : l’allégeance vis-à-vis de l’agir prescriptif, la démagogie vis-à-vis de l’agir des usagers et la fascination vis-à-vis de l’agir pédagogique.
Un chantier autour des Pratiques Collectives Distribuées d’Apprentissage sur Internet et le début d’une formalisation de la démarche dispositive
Les dix ans d’IUP ont été une période stable et plutôt « heureuse », associant le développement concomitant de dispositif de formation et d’activités de recherche. Dans les années 2000, sous l’impulsion du professeur Derycke, une Équipe de Recherche Technologique en Éducation, interne au laboratoire Trigone s’est constituée. Elle fédérait des membres des équipes Noce et Mégadipe autour d’une thématique de recherche commune : Apprentissages coopératifs et mutuels, pratiques, pédagogies et technologies. Elle a été à l’origine d’une recherche pluridisciplinaire (Sciences de l’Éducation, Sciences de la Communication, Sociologie des usages, Sciences de Informatique) conséquente autour des Pratiques Collectives Distribuées d’Apprentissage sur Internet. Le projet a été financé par la Direction de la Technologie du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche à la suite d’un appel à propositions « usages de l’Internet ».
La recherche concernait deux Instituts Universitaires Professionnalisés (l’IUP info-com et l’IUP des métiers de la formation). Il s’agissait d’associer un dispositif de recherche à ces deux dispositifs de formation. Le programme comportait trois volets :
- co-construire et déployer des environnements numériques en les associant à deux dispositifs de formation qui n’en étaient pas dotés ;
- développer des approches méthodologiques et un cadre théorique généralisable ;
- étudier les dynamiques résultant du couplage entre les dispositifs de formation et les environnements numériques.
Cette recherche a donné lieu à de nombreuses communications et articles et à un symposium de capitalisation au congrès de l’AREF en 2007 : Environnement numérique et formation professionnelle.
En 2008, les efforts pour poursuivre cette recherche dans le cadre d’une ANR ont pris la forme d’un projet intitulé « Créadico » prolongeant à la fois le projet PCDAI et le projet ODIL (Outils et didactique pour les interactions en ligne, 2004-2007) du Lidilem. L’élaboration de la réponse a rassemblé cinq équipes de recherche : Trigone Lille, Geriico Lille (Sciences de l’information et de la communication), Lidilem Grenoble, (Sciences du langage et didactique des langues), Lium Le Mans (Informatique) et le Creet (Centre for Research in Education and Educational Technology de l’Open University). Cette première tentative n’a pas abouti. Elle a été suivie d’une autre en 2009 qui n’a pas eu plus de succès. À la suite de ce deuxième échec, une volonté de mise en patrimoine de l’expérience s’est traduite par la réalisation d’un ouvrage paru chez Hermes Lavoisier (Leclercq, Varga, 2010) : Dispositifs de formation et environnements numériques, enjeux pédagogiques et contraintes informatiques. Un intitulé qui nous semblait plus amusant : Dispositifs de formation, quand le numérique s'en mêle n’a pas été apprécié par l’éditeur.
Durant cette période, le recrutement d’un enseignant-chercheur (Ph. Astier) versé dans l’analyse d’activité et la didactique professionnelle et d’une Past (L. Petit) a renforcé l’équipe et a conduit à la mise au point de techniques d’auto-confrontation aux traces laissées par les usagers dans les plates formes d’accompagnement.
Les années troublées
A partir de 2006, nos activités sont devenues moins maîtrisables et plus incertaines : injonctions ministérielles déstabilisantes, difficultés financières récurrentes de l’institut, flottement ministériel dans les demandes d’élaboration des maquettes, fusion du Cueep et du Service Universitaire de Développement Économique et Social, processus d’extinction de l’Institut Cueep, fusion des Universités lilloises, restructuration du département SEFA, etc.
J’ai assuré la direction du département des Sciences de l’Éducation Formation des Adultes (SEFA) de janvier 2006 à juin 2008, dans une période de rapprochement institutionnelle avec nos collègues de Lille III impulsée par les autorités ministérielles. En avril 2006, avec C Niewiadomski (A l’époque le directeur du département des sciences de l’éducation de Lille III), sous couvert des Vice-Présidents Formations des Universités de Lille I et de Lille III, nous avons ralenti le processus de rapprochement en proposant les principes organisateurs d’une nouvelle maquette qui prendrait la forme d’une co-habiliation de la licence et du Master lors du prochain quadriennal. Comme l’évolution des dispositifs de formation et celle des laboratoires de recherche ne pouvaient pas être traitée séparément, nous avons anticipé l’hypothèse d’une acceptation par les autorités compétentes du regroupement des trois laboratoires de recherche en Sciences de l’Éducation lillois qui existaient à l’époque : Théodile (EA 1764), Proféor (EA 2261), Trigone (EA 1038), au sein d’une même structure. Ce regroupement a été conduit par le premier directoire du CIREL et les dossiers d’habilitation produit en 2008 et 2010 se sont inscrits dans cette nouvelle perspective.
Par la suite, en 2011, l’équipe Trigone-Cirel sous l’Impulsion de M. Kaddouri (à l’époque directeur de l’équipe Trigone) et en prévision du quadriennal 2014 s’est reconfigurée autour de quatre pôles dont le pôle CODEUS (Conception, Développement, Effet et Usages des dispositif de formation). J’ai contribué à la mise en place de cette nouvelle organisation et je suis devenu responsable du pôle CODEUS. Dans sa première modalité de fonctionnement, il a regroupé 21 membres (dont sept enseignants chercheurs, trois Past et cinq doctorants). En 2016, en raison de préoccupations divergentes, il s’est scindé en deux entités distinctes : Adan (Apprentissage, Dispositif, Alternance et Numérique) et Codeus.
Codeus jusqu’en 2018
En 2016, le pôle Codeus s’est restructuré autour de deux orientations.
La première relevait de la « Didactique professionnelle ». Elle a été pilotée par mes collègues L. Petit, A.C. Oudart et A. Becceril. L’autre orientation restait attachée au développement de la démarche dispositive et à la manière d’associer un dispositif de recherche à un dispositif de formation. Cette démarche s’est enrichie méthodologiquement et conceptuellement. Plusieurs occasions se sont présentées. Certaines ont abouties : Le dispositif de VAE dont j’assurai la présidence a été un chantier instructif (Leclercq, 2020), le projet Ludo Ergo Sum piloté par F.Bros et Nacira Abdessellam a été l’occasion d’une collaboration durable avec des collègues de l’E2C Grand Lille (Leclercq 2022). D’autres projets n’ont pas produit les résultats escomptés : un dispositif de formation à l’EMC (Éducation Morale et Civique) à l’école primaire, un dispositif d’apprentissage de l’investigation scientifique dans la Maison Pour la Science associée à l’Université de Lille, un dispositif de sensibilisation à la réalité populiste dans un projet Erasmus plus. Ces expériences n’ont pas été inutiles pour autant.
Ma première période d’Éméritat (2018-2023) s’est inscrite dans cette continuité.
Professeur émérite depuis 2028
Entre 2018 et 2022, j’ai mené des investigations dans trois contextes différents :
- Premier contexte : quand les postures de chercheur et de formateur sont étroitement mêlées. L’exemple est celui d’un parcours de master en ingénierie de l’intervention pédagogique. L’activité de recherche a été prise en charge de manière interne par l’équipe enseignante. Dans ce contexte singulier, il s’agissait d’exploiter et d’adapter une maquette universitaire conçue pour faciliter le processus de mastérisation des formateurs. Pour développer le dispositif, nous avons endossé une posture de chercheur, étroitement liée à celle de praticien.
- Deuxième contexte : Quand les postures de chercheur et de formateur sont disjointes. L’exemple est celui d’une fabrique numérique. L’activité de recherche a été financée par la Région Haut de France dans le cadre de son programme Format-Innovation. Dans ce contexte singulier, l’équipe de recherche n’avait pas vocation à intervenir dans le développement du dispositif pendant le cours d’action. Les postures de chercheur et de formateur étaient distinctes.
- Troisième Contexte : Quand les postures de chercheur et de formateur sont hybridées. L’exemple est celui d’un atelier « enseigner pour apprendre » dans une École de la 2ème Chance. L’activité de recherche a été financée par le réseau E2C France et par son programme de développement et d’essaimage des pratiques. Dans ce contexte, les postures de formateur et de chercheur se sont hybridées. Cette hybridation et ses conditions de possibilité sont en soi un objet d’études. Elles questionnent et travaillent la propension des formateurs à développer une posture de praticien chercheur et celle des chercheurs à exercer leur activité en milieu ordinaire.
La période d’éméritat m’a permis de collecter un matériau qui complète utilement les travaux antérieurs. Les deux ou trois ans à venir devrait être propices à la production d’un ouvrage qui portera probablement le titre suivant : Approcher et développer un dispositif de formation, outillage conceptuel et méthodologique.
Une première esquisse de l’ouvrage invite à envisager trois parties :
- une partie introductive : les racines de la démarche dispositive ;
- une partie centrale : trois usages différenciés de la démarche dispositive ;
- une partie conclusive : contribution à une clinique des dispositifs de formation.