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Gaëtane Maës

Professeure des universités CNU : SECTION 22 - HISTOIRE ET CIVILISATIONS: HISTOIRE DES MONDES MODERNES ET CONTEMPORAINS Laboratoire / équipe

Axes de recherche

Thématique 1 : Échanges artistiques entre la France et les pays du Nord de l’Europe (1600-1830)

Cette thématique concerne notamment les artistes de double culture et elle a pour point de départ ceux étudiés dans ma thèse de doctorat : Louis Watteau (1731-1798) et François Watteau (1758-1823) ont été les deux plus importants peintres du Nord de la France durant la seconde moitié du XVIIIe siècle, mais jusque là, ils avaient toujours été définis par rapport à leur oncle Antoine Watteau (1684-1721). Ce constat a conduit à une question méthodologique majeure : quelle place accorder aux petits maîtres par rapport aux grands créateurs sur lesquels l’histoire de l’art s’est longtemps exclusivement focalisée ? Mon étude a, par ailleurs, soulevé la question du fonctionnement commercial de l’atelier de Louis Watteau et a mis en évidence la double culture des deux peintres en nuançant l’idée d’un modèle académique français unique, car les institutions culturelles qu’ils ont animées (École de dessin, expositions et Académie des Arts), possèdent des caractéristiques tantôt tournée vers Paris, tantôt vers la Flandre. Cet aspect a conduit à définir les spécificités de la Flandre française au sein du développement des arts et de l’industrie dans la France des Lumières.

Cette première confrontation à des individus de double culture m’a, par la suite, orientée vers l’étude de la réception de l’art flamand, hollandais et allemand dans la France des Lumières. Le goût français pour la peinture septentrionale était en effet largement admis, mais il demandait à être précisé dans certains aspects, et notamment sous l’angle de la littérature artistique en néerlandais peu explorée jusque là. J’ai donc choisi d’étudier ce thème à travers le genre littéraire de la ‘vie d’artiste’ notamment développé par le peintre flamand Jean-Baptiste Descamps (1715-1791), et par le collectionneur français Antoine-Joseph Dezallier d’Argenville (1680-1765). La confrontation de leurs adaptations respectives de l’écriture biographique a permis de remettre en question la pseudo hégémonie du modèle vasarien en revenant sur les enjeux tantôt nationalistes, tantôt commerciaux des ‘vies d’artistes’. Elle a, par ailleurs, conduit à aborder la problématique des stratégies de carrière à travers les notions d’expertise et de reconfiguration des disciplines au siècle des Lumières.

Parallèlement à ces travaux, j’ai développé la notion d’échanges artistiques entre la France et l’Europe du Nord, parce qu’elle permet d’envisager des points de vue diversifiés allant du social au culturel, en passant par l’économique. Par tradition, l’étude des relations entre les pays européens à l’époque moderne a toujours privilégié les liens avec l’Italie, longtemps considérée comme l’unique centre de renouveau à la Renaissance. Afin d’éclairer d’autres aspects de l’art occidental durant la période moderne, il me paraissait donc essentiel d’interroger les échanges entre la France et les anciens Pays-Bas, et de nouer des liens académiques forts avec les chercheurs belges et néerlandais.

Thématique 2 : Histoire sociale de l’art de l’Ancien Régime à 1830

a. L’œuvre et son public : modes de présentation et géographie artistique

Le phénomène des expositions artistiques suscite un réel intérêt depuis quelques années, mais pendant longtemps, il est demeuré centré sur la question des capitales en laissant de côté le cas des autres villes. Ce manque m’a amenée à remettre en question cette géographie ciblée de l’art et à publier une des premières études sur une cité de province – Lille – afin de mettre l’accent sur la diversité de la France des Lumières. J’ai ensuite étendu mes recherches à l’ensemble de la France provinciale en dressant une typologie des expositions existant en dehors de Paris au XVIIIe siècle, recherches qui se sont poursuivies au sein du programme de recherches "Le corps sensoriel dans les exposition d'art au XVIIIe siècle" (2018-2021), fruit d'une collaboration entre I. Pichet (Université du Québec à Trois-Rivières), D. Kluge (Victoria International Hochschule, Berlin) et moi-même (Université de Lille-UMR 8529/IRHiS). Une publication sur le sujet paraîtra en 2024 (https://books.ub.uni-heidelberg.de/arthistoricum/catalog/preview).

En 2020, j’ai également élaboré un projet de médiation au musée du Louvre-Lens en collaboration avec le sociologue Mathias Blanc intitulé « EXART : L’expérience visuelle des publics face aux œuvres d’art : une nouvelle forme de médiation ? En combinant histoire de l'art et l'outil Ikonikat développé par M. Blanc, il s'agissait de confronter le regard du visiteur actuel sur les œuvres avec celui du spectateur du XVIIIe siècle.

En 2024-2025, je continue à explorer la dimension perceptive et sensorielle des spectateurs du XVIIIe siècle à travers le projet ExPaLon18 [Les expositions de Paris et Londres au 18e siècle : espace, éclairage et accrochage/18th-century exhibitions in Paris and London: space, lighting and display], financé par la Fédération de Recherche en Sciences et Cultures du Visuel (FR SCV 2052). Il s’agit d’un projet de restitution historique en 3D et d’immersion en réalité virtuelle en partenariat avec l’University of Kent et le musée du Louvre visant à reconstituer et comparer les expériences de visite des spectateurs, qui ont eu lieu en 1787 respectivement au Salon du Louvre à Paris et à la Royal Academy de Londres.

b. L’enseignement du dessin

Par l’intermédiaire de mes travaux sur les Watteau de Lille, puis sur Jean-Baptiste Descamps, qui ont été les directeurs d’importantes écoles de dessin au XVIIIe siècle respectivement situées à Lille et à Rouen, j’ai développé un intérêt particulier pour les questions d’enseignement et de transmission des savoirs. À ce titre, de 2016 à 2020, j'ai fait partie du Comité scientifique du projet de recherche ACA-RES, consacré aux académies d’art et à leurs réseaux dans la France préindustrielle, soutenu par le Labex SMS (Structuration des Mondes Sociaux) de l’université de Toulouse, et placé sous la direction d’Anne Perrin-Khelissa et d’Émilie Roffidal.

https://acares.hypotheses.org/le-conseil-scientifique

Au delà de mon attrait pour les villes de province déjà mentionné, je développe parallèlement des recherches sur les méthodes de dessin et les manuels imprimés en attachant une place privilégiée aux interactions avec le savoir scientifique.

Thématique 3 : Culture visuelle entre art, science et littérature (1600-1830)

a. Entre art et littérature

Depuis une vingtaine d’années, je travaille également dans le domaine de la littérature artistique, et plus particulièrement sur des textes longtemps négligés, parce que considérés comme de simples compilations. Or, ils induisent parfois l’idée d’une théorie implicite, et ils posent surtout avec acuité la question de la vulgarisation du savoir au XVIIIe siècle. Cette question déjà explorée dans le domaine des sciences et de la littérature n’a pas fait l’objet de beaucoup d’intérêt chez les historiens de l’art, car elle heurte l’idée d’un art traditionnellement réservé aux élites et exclusivement dédié aux chefs d’œuvres. Mes recherches portent plus spécifiquement sur l’écriture des ‘vies d’artistes’ en France et dans l’Europe du Nord, et sur les dictionnaires artistiques comme ouvrages de vulgarisation.

b. Entre art et science

Mes travaux touchant à l’écriture et à l’historiographie se développent également à travers les personnages à compétences multiples, tels que le collectionneur Antoine-Joseph Dezallier d’Argenville (1680-1765), qui a publié des ouvrages de référence portant aussi bien sur les artistes, que sur l’art des jardins, ou encore sur la classification des coquillages et des minéraux. En 2009-2012, il est devenu le point de départ d’un programme de recherches entre art, science et écriture à l’époque moderne, que j’ai élaboré en collaboration avec Anne Lafont de l’Institut national d’histoire de l’art à Paris, et Martial Guédron de l’université de Strasbourg. Je continue à m'intéresser à ce type de figures autour de la définition de la notion d'expertise artistique et scientifique.

Actuellement, mes recherches portent parallèlement sur les méthodes de dessin et les manuels imprimés aux XVIIe-XVIIIe siècles en attachant une place privilégiée aux interactions avec le savoir scientifique et aux rapports entre texte et images.

c. La gravure entre art et culture visuelle

Le double statut de l’estampe entre œuvre d’art et document correspond à un vaste espace de recherches, qui m’a déjà permis de concevoir plusieurs expositions (notamment celle sur les notions d’invention, d’interprétation et de reproduction au musée de la Chartreuse à Douai en 2006). Je travaille actuellement sur les différents statuts de l’estampe entre simple feuille volante et œuvre d’art multiple selon deux thématiques : l’image de mode et l’image scientifique. Il s’agit d’envisager ces images en liaison avec le discours qui les a fait naître, ou qui les accompagne, afin de définir plus précisément les publics visés par les auteurs et les éditeurs.