
Damien Charabidze
Axes de recherche
Mon parcours professionnel m’a conduit à la croisée de la recherche fondamentale, de la recherche appliquée, de l’expertise, du droit et de la biologie. Cette trajectoire personnelle et professionnelle me permet d’aborder ces différents sujets avec un regard croisé de biologiste et de connaisseur de l’institution judiciaire, de chercheur et de praticien.
Une première partie de mon travail répond à des problématiques liées à l'entomologie médico-légale (datation du décès grâce aux insectes). Ces travaux se sont progressivement étendus à des aspects plus fondamentaux de taphonomie (décomposition des cadavres) et d’écologie adaptative. Les insectes nécrophages on en effet développé de nombreuses adaptations dont des comportements sociaux tels que le grégarisme. Cette stratégie « simple » permet la formation rapide de groupes interspécifiques et l’émergence de bénéfices collectifs. L'étude de ces mécanismes révèle les mécanismes d'adaptations aux environnements hostiles (construction de niches) et les conditions favorisant l'apparition de la socialité.
Parallèlement, ma pratique professionnelle m’a mené à m’interroger sur le fonctionnement de l’expertise judiciaire. A la croisée des Sciences et du Droit, l'expertise s'est rapidement enracinée au cœur du fonctionnement judiciaire, faisant de l'expert un personnage central du rendu de la justice. Cette évolution, qui s'illustre par la place croissante octroyée aux sciences criminelles, constitue un enjeu de formation et de recherche majeur. Je développe depuis 2020 des travaux interdisciplinaires sur ce sujet qui associent criminalistique, histoire judiciaire, histoire des sciences et droit comparé.
Croissance & développement des insectes
Une part de mes recherches porte sur l’entomologie médico-légale.
La capacité des insectes à coloniser les cadavres humains est connue de longue date et peut être mise à profit en contexte judiciaire afin de dater le décès. Je me suis intéressé à ce contexte applicatif, avec de nombreuses publications sur l'interprétation des preuves entomologiques, les méthodes d'expertise et le dépôt d’un brevet logiciel pour un outil de calcul (ForenSeek, 2011).
Ces recherches ont progressivement évoluées vers une approche centrée sur l’éthologie, et plus précisément les comportements sociaux et l’écologie adaptative des larves. Les espèces nécrophages ont de fait été très peu étudiées, alors que ces insectes présentent de nombreuses adaptations originales résultant des pressions de sélections propres aux écosystèmes cadavériques. En développant ce modèle expérimental, nos travaux ont permis de démontrer comment les comportements sociaux pouvaient favoriser l’adaptation et la survie dans un environnement hostile (stratégie de construction de niche).
Justice, Expertises Judiciaires & Criminalistique
La justice, comme toute institution, évolue. On constate ainsi que la preuve scientifique occupe désormais une place centrale dans le processus judiciaire : un procès d’assises sans experts est devenu inconcevable.
Loin d’être un simple auxiliaire de justice, l’expert apparait désormais comme le détenteur de la vérité factuelle : sa parole revêt à ce titre une importance considérable. Paradoxalement, ce bouleversement profond du délicat équilibre judiciaire s’est fait sans changement législatif majeur et sans encadrement réel des pratiques et compétences techniques. Dans ce contexte, mes recherches analyses comment l’expertise s’est progressivement implantée puis enracinée au cœur du processus judiciaire. L'immixtion de la science en terrain judiciaire se traduit en effet par un manque d'encadrement institutionnel et une difficulté à appréhender, au-delà du paravent technique et sémantique, les limites de l'expertise.
Ces réflexion amènent ainsi à s'interroger sur la relation ambiguë que la justice entretient avec l’expertise, et les pistes pour un encadrement modernisé.
Sciences et techniques funéraires
Les enjeux de la transition écologique, l’apparition de nouvelles contraintes opérationnelles et le développement d’attentes en faveur d’une mort plus en phase avec la nature et les spiritualités contemporaines conduisent nos sociétés à repenser la place des défunts et les pratiques funéraires.
Pourtant, les approches scientifiques et techniques n’ont été que très peu mobilisées pour documenter les procédés de réduction des corps. Dans son ensemble, le devenir des 1600 défunts enterrés quotidiennement dans les cimetières français relève largement de l’undone science. Cette absence s’explique en partie par la difficulté d’accès à ces terrais d’étude, qui nécessitent un réseau très spécifique et la prise en compte de réalités éthique et socio-culturelles complexes. D'autre part, les savoirs et les méthodes d’analyse sont dispersés dans une transdisciplinarité allant de l’anthropologie funéraire à l’écotoxicologie, de la microbiologie aux sciences des sols.
Dans ce contexte, mes travaux portant sur les nouvelles pratiques funéraires et plus spécifiquement de la terramation se sont rapidement étendus à l'étude de l'ensemble des procédés funéraires actuels et émergents.