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Anne Boissiere

Émérite CNU : SECTION 17 - PHILOSOPHIE Laboratoire / équipe

Axes de recherche

 

Un premier moment de ma recherche a été consacré à la pensée musicale du philosophe allemand Theodor W. Adorno (1903-1969), dans laquelle j’ai trouvé une pensée du concret. C’est pourquoi j’ai été si attentive au livre sur Gustav Mahler, et au rapport qui s’y établit avec la temporalité selon l’approche de Bergson.

 

Cette interrogation a ensuite évolué, d’une part vers une problématique du mouvement (au demeurant indissociable de l’expérience musicale), d’autre part vers le champ de la phénoménologie au sens large. Cela m’a permis d’explorer des aspects absents en tant que tels chez Adorno et dans la théorie critique, à savoir la dimension du vécu et du sentir. La psychologie phénoménologique d’Erwin Straus (1891-1975), ainsi que la pensée de Henri Maldiney (1912-2013) ont été déterminantes à cet égard. Avec Maldiney, dans la perspective de l’art, c’est à nouveau le rapport au concret que j’ai valorisé. Mon intérêt pour la musique s’est alors déplacé vers la danse, sans pourtant disparaître. Mais davantage que l’art chorégraphique, c’est la spontanéité du mouvement, lié au sentir, que j’ai cherché à approcher, dans une perspective qui serait au fondement de tous les arts.

 

Mon parcours théorique n’a pas été séparable d’un chemin d’expérience, à travers la psychanalyse freudienne et l’art-thérapie. L’inflexion du pédiatre et psychanalyste Donald W. Winnicott (1896-1971), relativement à l’expérience du jeu (Playing), et à l’espace potentiel, y a été marquante. Cela a fait retour vers le philosophique : je m’apercevais qu’il manquait dans la plupart des théories sur le jeu cette part d’expérience (Playing) rebelle aux règles, et source d’une confiance et d’une liberté sensible irremplaçables. J’ai ainsi consacré ces dernières années à la thématique du « jouer », la reliant aux questions du mouvement vivant et du sentir, que j’avais précédemment investies.

Finalement, le devenir du corps vivant est le foyer en lequel je reconnais aujourd’hui la dynamique de mon parcours. La découverte de la voix et de sa puissance expressive, notamment à travers la pratique du Roy Hart et de l’improvisation, m’a accompagnée dans cette prise de conscience. Celle-ci permet de prendre la mesure de la violence qu’exerce aussi le geste philosophique, dans sa tendance à se couper des impulsions somatiques. Contre la clôture du sens qui tend vers une abstraction réifiante, j’aspire aujourd’hui à une philosophie habitée et vivante, qui ne mutile plus l’expérience mais l’accueille (expérience du sensible, expérience d’être femme/mère/fille, expérience de la musique), si possible dans quelque douceur.

Inventer d’autres formats. Réhabiliter l’écoute.