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Anne Boissiere

Émérite CNU : SECTION 17 - PHILOSOPHIE Laboratoire / équipe

Axes de recherche

 

Axe 1. Expérience, esthétique et théorie critique

   Cette thématique de recherche trouve son point de départ dans mes travaux sur la pensée musicale de Theodor W. Adorno, que j’aborde sous l’angle d’une esthétique du concret. Cette orientation de travail me conduit aujourd’hui à interroger ce que j’appelle la couche « pathique » de l’expérience musicale, celle qui échappe à la logique du sens et de la vérité, et qui lie la musique au mouvement. Cela concerne une part archaïque de l’écoute, qui se révèle chez Adorno dans son attention notamment à la part de danse que contient la musique, comme on le voit dans son approche de Stravinsky. Adorno, penseur dialectique du progrès, s’est attaché plus que tout autre aux diverses modalités de la régression. Toutes ne sont pas perverses et mortifères. Je montre que l’enfance, le rêve, le jeu, la passivité, sont des déterminations fondamentales de son approche. Cette dimension croise des préoccupations que je rencontre dans le champ, au sens large, de la phénoménologie, selon un enrichissement réciproque. Adorno, également Walter Benjamin, invitent à aborder le « pathique » sous l’angle de l’histoire, dans son rapport à la technique.


Axe 2. Le mouvement à l’œuvre : espace, jeu, rythme

   Mon approche de la musique s’est progressivement attachée à l’espace, dans la mesure où l’espace désigne ici le mouvement spontané du corps dans l’écoute. Cette plastique de la musique met au jour un mouvement qui a quelque chose de dansant, sans relever pour autant de la danse au sens de la chorégraphie qui s’occupe des œuvres et de leur formes. Un tel mouvement, que j’ai commencé à étudier avec la Rythmique d’Emile Jaques Dalcroze et avec la réflexion d’Adolphe Appia sur l’espace vivant, touche une couche pré-objective et préverbale qui est en deçà de la perception des formes identifiables et analysables.
   Pour en préciser le statut, le champ de la phénoménologie est d’un précieux recours, notamment avec les travaux de psychiatrie phénoménologique (Erwin Straus, Ludwig Binswanger, Eugène Minkowski), et la philosophie d’Henri Maldiney. La notion du « pathique » ou du sentir, héritée d’Erwin Straus, est déterminante pour cerner la teneur dynamique et opératoire d’un tel mouvement. L’apport de la psychanalyse, en particulier avec Donald W. Winnicott et sa conception du jeu (« playing »), l’est également. 

 
Axe 3. Le sentir, le pathique et la Gestaltung

   Ma réflexion sur le mouvement, le sentir et le jeu, trouve un terrain d’élection dans l’art brut, hérité pour partie de l’art dans les hôpitaux psychiatriques, et tout à fait étonnant par la spontanéité de ses productions. La notion de « brut » exige d’être problématisée, et l’idée de la Gestaltung, telle qu’elle est introduite et développée par Henri Maldiney s’avère en ce domaine une piste de travail féconde. La question que je poursuis est celle du statut du sentir, entre philosophies du vivant, de l’existence et du symbole. Le travail de traduction et de réflexion que j’ai encadré sur la philosophie de Susanne Langer (Vie, symbole, mouvement), philosophe qui n’a qu’une réception très marginale en France, s’inscrit dans ce contexte.