Sophie Aubert-Baillot
Activités scientifiques 2024-2025
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Lecturae Ciceronis 2025 - Les Lettres Ad Brutum entre politique, rhétorique et philosophie
Au sein de l’imposante correspondance rédigée par Cicéron ne subsistent que vingt-six lettres échangées avec M. Iunius Brutus, qui s’échelonnent du 1er avril au 27 juillet 43, alors que se déchaîne la lutte politique et militaire entre les partisans des Césaricides et leurs adversaires. L’histoire de la sélection, de l’organisation et de la transmission de ces épîtres fut extrêmement mouvementée : comme la correspondance Ad Quintum, le corpus Ad Brutum pâtit notamment de transpositions et de pertes de feuillets dans l’archétype. Si l’authenticité de certaines lettres fut mise en doute par Érasme, qui les qualifiait de declamatiunculae, d’autres érudits étendirent leurs critiques à l’ensemble du recueil en appuyant leur démonstration sur des arguments d’ordre lexical, stylistique, historique ou idéologique. L’on admet aujourd’hui qu’une telle controverse était infondée ; toutefois, l’on s’interroge régulièrement sur le statut des épîtres I, 16, de Brutus à Cicéron, et I, 17, de Brutus à Atticus, qui par leur virulente critique de l’Arpinate présentent des similitudes avec l’Inuectiua in Tullium du Pseudo-Salluste. Leur insertion dans le corpus est en tout cas ancienne, puisque Plutarque en fait mention dans la Vie de Brutus.
Quoique moins étudié que l’échange épistolaire entre Cicéron et son frère Quintus ou, a fortiori, son ami Atticus, le corpus Ad Brutum constitue pourtant un recueil passionnant, tant par la complexité philologique de sa composition que par la tension dramatique des événements qu’il relate, de la défaite d’Antoine devant Modène à la mort des consuls Hirtius et Pansa, de la défection de Lépide au retour sans cesse reporté de Brutus à Rome. Quant à la détermination de la conduite à tenir envers Octavien, figure centrale dans ces lettres, elle suscite de vifs débats entre les deux correspondants. Le corpus ne fait pas droit qu’à des analyses politiques, cependant. On y perçoit l’écho non seulement de réflexions philosophiques, à l’occasion de la consolation adressée à Brutus après la mort de son épouse Porcia, mais aussi de discussions d’ordre rhétorique, à propos de l’éloge décerné par Brutus, pourtant tenant d’une prose atticiste, aux discours d’attaque contre Antoine qu’avait prononcés Cicéron à l’automne 44, ces Philippiques issues d’un nouveau Démosthène. Telles sont quelques-unes des facettes de ce recueil à la fois riche et dense, ultime témoignage épistolaire légué par Cicéron, qui meurt quelques mois plus tard.