Philippe Sabot
Présentation
Présentation de recherches récentes
Recherches sur et à partir de Michel Foucault
Ces recherches se sont développées principalement dans trois directions complémentaires :
- Tout d’abord, le travail éditorial qui avait été mené à bien dans le cadre de l’édition des Œuvres de Foucault dans la Bibliothèque de La Pléiade (Gallimard, 2015) a été prolongé par le travail d’édition engagé avec les éditions du Seuil en vue de publier les « cours et travaux de Michel Foucault avant le Collège de France ». Dans ce cadre, j’ai préparé l’édition critique d’un manuscrit de Foucault consacré à « Phénoménologie et psychologie », daté de 1953-1954 (https://www.seuil.com/ouvrage/phenomenologie-et-psychologie-michel-foucault/9782021452693). Ce manuscrit, publié en novembre 2021, constitue sans doute un premier projet de thèse que Foucault avait envisagé de consacrer à « la notion de monde dans la phénoménologie de Husserl ». Cet ouvrage renouvelle en profondeur la connaissance et la compréhension que nous avions du rapport de Foucault à la phénoménologie et éclaire autrement la maturation du projet philosophique d’une archéologie des savoirs de même qu’il permet de mieux saisir l’articulation entre anthropologie, psychologie et phénoménologie au sein de ce projet. Je prévois également d’éditer d’ici deux ans un cours inédit que Foucault a donné en 1965 à Sao Paulo, à l’invitation de Gérard Lebrun, et dans lequel il présentait pour la première fois les idées directrices des Mots et les choses (publié en 1966 en France). Ces travaux éditoriaux ont largement bénéficié de ma participation au projet ANR « Foucault Fiches de lecture » (2017-2020) qui a contribué à mettre à disposition des chercheurs (via la plateforme E-Man) un très grand nombre de fiches de lecture rédigées par Michel Foucault, et notamment celles qui concernent le début des années 1950 et qui témoignent de l’intérêt porté à la phénoménologie husserlienne à l’appui de la rédaction de ses premiers travaux (sur Binswanger et sur Husserl).
- Les recherches que j’ai menées sur et à partir de Foucault depuis 5 ans se sont également développées dans un contexte international précis puisque, dans le cadre du projet que je porte à la présidence du Centre Michel Foucault (élu en 2017-2021 et réélu pour 2021-2025), j’ai obtenu un premier financement pour formaliser un réseau franco-brésilien (réseau « TaFac : Travailler avec Foucault : approches contemporaines ») basé sur un partenariat privilégié entre l’université de Lille, l’Université fédérale du Parana et la PUC du Parana (Curitiba). Ce réseau a donné lieu à des échanges nombreux et productifs : invitations de 2 collègues brésiliens en janvier 2017 (André Duarte, UFPR) et en mars 2018 (Cesar Candiotto, PUC-PR), organisation d’un séminaire commun à Curitiba en novembre 2017, organisation du colloque « Discours et politiques de l’identité » en mars 2018 à Lille (les actes de ce colloque vont paraître au début de l’année 2022). Le réseau TaFac s’est également élargi à d’autres partenaires, en France (Paris 8) et à l’étranger (Université de Buenos Aires, Université de Warwick) et a constitué le socle d’un nouveau projet de recherche international, à développer dans le cadre de la présente demande de délégation : ce projet, intitulé « ViiP » (pour « Vie, violence, pouvoir) », a été lancé lors d’un colloque organisé à Lille en octobre 2019 et doit faire l’objet d’une demande de financement à l’université de Lille dans le cadre du dispositif de « Laboratoire associé international » (LAI) (dépôt du projet en janvier 2022).
- Enfin, à l’appui de ces activités internationales et notamment du projet « Vie, violence, pouvoir », j’ai élaboré depuis un an le projet d’un ouvrage développant les différents aspects d’une réflexion menée à partir de mais aussi au-delà de la pensée de Foucault, sur le thème des « relations ». L’écriture de cet ouvrage, provisoirement intitulé provisoirement Relations. Pouvoir, normes, vulnérabilités, est en cours.
Éthique, politique et société : vulnérabilités
Les dernières années ont été également l’occasion pour moi de développer et d’approfondir par un autre biais une réflexion d’ensemble sur le thème des vulnérabilités.
Ce thème est au cœur d’un projet de recherche en cours mené depuis le début de l’année avec des sociologues et des acteurs du monde judiciaire et pénitentiaire sur l’impact de l’épidémie de Covid-19 sur la transformation contemporaine des institutions pénitentiaires, et sur le gouvernement de la vie et de la mort dans et par la prison (projet CONTAGION porté par Gilles Chantraine). Mon implication dans ce projet a consisté dans la clarification des enjeux d’une gestion biopolitique de la crise sanitaire et de ses effets sur cette figure particulière de la vulnérabilité en temps de Covid-19 qu’a été le « détenu » (incarcéré ou même bénéficiant au printemps 2020 d’une mesure exceptionnelle de remise en liberté).
Mais le thème de la vulnérabilité s’est surtout imposé à moi dans le cadre de deux autres projets collectifs interdisciplinaires, rassemblant des épidémiologistes, des spécialistes de gériatrie, de santé publique et du droit de la santé, de la psychologie et de la sociologie. Ces projets - « AcSOI-Vie : Accompagnement de la fin de vie : regards croisés des patients et des soignants » et « Vulnérâge : Vulnérabilités, fragilités. Approches interdisciplinaires des expériences de la maladie et du prendre soin chez les personnes âgées » (voir la présentation : https://www.meshs.fr/page/vieillissement_experience_soin) - sont consacrés à la prise en charge des personnes âgées vulnérables dans le cadre de relations de soin extra-hospitalières (soins à domicile) et dans le cadre de situations de fin de vie.
- Ces projets ont été pour moi l’occasion de développer et de partager des recherches sur les enjeux éthiques et philosophiques du vieillissement, sur le renouvellement du paradigme de l’ « expérience patient » par celui de l’expérience du soin dans le care, ou encore sur le croisement des approches bioéthiques et biopolitiques de la fin de vie, tel qu’il peut être observé en particulier depuis le début de l’épidémie de Covid-19.
- Ces recherches, menées collectivement, sont également au principe de projets plus ambitieux, au titre desquels je retiendrai :
-> Le financement de la Chaire Vulnérâge (https://www.univ-lille.fr/universite/fondation/projets/chaire-vulnerage/) par la Fondation Université de Lille (2021-2024). Cette Chaire ambitionne de devenir le pôle recherche d’un futur Institut Lillois du Vieillissement, à la construction institutionnelle duquel je suis étroitement associé.
-> Le financement du réseau européen COVERAGE par l’I-SITE ULNE. L’objectif de ce réseau (qui regroupe des chercheurs issus de 6 universités européennes appartenant à l’alliance européenne InclusU (https://www.inclusu.eu/) et de l’Université McGill de Montréal) est d’analyser et de comparer l’impact de la réponse à l'épidémie de CoViD-19 en Europe sur les personnes vulnérables, en particulier les personnes âgées.
Ces travaux et ces projets contribuent à ancrer ma recherche en éthique dans la réalité d’une clinique (médicale et sociale) de la vulnérabilité. Ils contribuent également de mon point de vue à mieux définir les enjeux d’une éthique et d’une politique du care, qui méritent d’être pensés dans la relation et dans l’écart qu’elles entretiennent avec les cadres normatifs du système de santé.