Axes de recherche
Psycholinguistiques
La relativité linguistique
Ne vous êtes-vous jamais demandé si les locuteurs d’une langue différente de la vôtre pensaient différemment ? C’est à cette question que tente de répondre ma thèse de doctorat. Ce projet se concentre plus particulièrement sur la localisation statique d’objets dans l’espace (ex. une bouteille sur une table). En néerlandais, l’orientation de la bouteille doit obligatoirement être exprimée avec les verbes de positions cardinales : zitten ‘être assis’, liggen ‘être allongé’, staan ‘être debout’. Ainsi, en néerlandais, nous dirions « La bouteille est debout sur la table ». Pour un locuteur français, cela est peu naturel voire impossible, nous préférons dire que la bouteille est sur la table, de même en anglais ; on préfère donc la copule neutre être/be. La langue néerlandaise semble donc pousser ses locuteurs à prêter attention à l’orientation des objets dans l’espace, là où un français ou un anglais n’en a pas l’obligation linguistique. Se pose alors la question de la relativité linguistique : ces différences linguistiques se réflètent-elles au niveau de la pensée non-verbale ? Un locuteur néerlandais prêtera-t-il toujours autant d’attention visuelle et cognitive à l’orientation de l’objet si il n’est pas dans un processus de verbalisation ?
En se basant sur des données oculométriques, i.e. l’analyse du mouvement des yeux, des temps de réactions en contexte de mémorisation et de reconnaissance, des descriptions d’images avec ou sans interaction, nous analysons les différences intra- et inter- langues ainsi que les processus cognitifs engagés lors de tâches verbales ou non-verbales. Ainsi, au travers de deux expériences verbales et d’une expérience non-verbale menées sur des participants français, anglais et néerlandais (N=187), ces problématiques sont interrogées et nos hypothèses testées.
Linguistique diachronique
Linguistique de corpus.
Ce projet de recherche, mené durant mon Master en linguistique anglaise mais qui continue à m'intéresser, s'articule autour de l'évolution de l'usage des verbes de position SIT, STAND et LIE en Anglais. Un article de synthèse a été publié ici: benjamins.com/catalog/cal.21.c3. Cet article, basé sur mon travail de mémoire, offre une analyse diachronique de corpus qui adopte l'approche constructionnelle sur la période 1510-1920 pour les verbes de positions en Anglais.
Contrairement à leurs équivalents dans les autres langues germaniques, les verbes de position anglais n'ont pas évolué vers des marqueurs locatifs, comme c'est le cas en néerlandais notamment (De fles staat op de tafel, lit. la bouteille est debout sur la table), ni vers des marqueurs d'aspect progressif et/ou habituel, ni même vers des copules. Nous défendons l'idée que les verbes de position en anglais n'ont pas subi de grammaticalisation complète. Plutôt, ils ont raté ou abandonné leur grammaticalisation. En effet, l'étude de leur usage dans des phases précédentes de l'anglais révèle que ces verbes étaient bel et bien utilisés comme ils le sont aujourd'hui en néerlandais par exemple. Notre étude a testé l'hypothèse de Newman (2009) selon laquelle la grammaticalisation des verbes de position en anglais a été interrompue car ces mêmes verbes sit, stand et lie ont commencé à être utilisés à la fois pour se référer au sens statique (être assis, être couché, être debout) et au sens dynamique (se lever, s'asseoir, se coucher) alors qu'en néerlandais par exemple, il existe deux verbes distincts pour ces deux sens distincts. Habituellement, la particule up ou down est ajouté au verbe (sit down, stand up, lie down). Pourtant, notre étude démontre que cet usage de la particule n'est pas automatique et nous trouvons des occurrences avec un sens statique en présence d'une particule ou à l'inverse, un sens dynamique en l'absence de la particule. L'hypothèse, comme vous le lirez dans l'article, ne peut être qu'en partie confirmée. Mais l'article offre bien d'autres perspectives sur cette bizarrerie de l'anglais.
En autres, nous montrons également à quel point cette grammaticalisation ratée était en fait à un stade avancé en se penchant sur des constructions de type copule qui pour certaines demeurent dans des constructions idiomatiques. Nous parlons ici d'îlots grammaticalisés (traduit de "grammaticalized islands").
Autres domaines d'intérêt et de recherche
- Les stéréotypes du genre dans la langue
La langue: construction ou reflet du genre?
- L'apprentissage des langues
- Les auxiliaires de modalités
Participation au projet REM sur invitation de Bert Cappelle & Ilse Depraetere : https://anr.fr/Project-ANR-16-CE93-0009