Emilie Picherot
Présentation
Fonction actuelle : Maître de Conférences HDR, Université de Lille, IUF Junior (2021)
Cofondatrice et membre du réseau LGC MA (Littérature générale et comparée mondes arabes, https://www.lgcma.hypotheses.org), je m'intéresse à la connaissance, la diffusion et la représentation de l'arabe en France, en Espagne et dans les Flandres. Notre réseau regroupe des comparatistes arabisants. Nous avons proposé le programme d'agrégation « Formes de l'action poétique », qui intègre une œuvre en arabe et a donné lieu à de nombreuses publications.
Dernières actualités
Recherches actuelles
Je poursuis mes recherches sur les Morisques et leur littérature. Le premier résultat de ce projet qui consiste à mettre en valeur les acquisitions précoces de manuscrits arabes par la France est un site de vulgarisation et de numérisation d'un des quatre manuscrits aljamiados de la BNF (http://www.francophonedh.com/Emilie.html) en partenariat avec l’Université Duke (USA, Caroline du Nord), l’Université de Lille, le Consulat de France à New York et la BNF.
J'ai traduit la Grammatica arabica de Postel, première grammaire arabe publiée en France (1540 ?) et la compare au manuel de Pedro de Alcalá (1505) ainsi qu'à différentes grammaires arabes. J'ai édité un roman français de la fin du XVIIe siècle qui présente de manière originale l'idée de l'Espagne des trois cultures. Ces recherches tendent à démontrer la justesse d'un comparatisme différentiel ainsi que l'ancienneté des rapports entre l'Europe de l'ouest (France et Espagne) et le monde arabe.
Projet IUF en cours
L’arabe en France au XVIe siècle : fantasmes, représentations, connaissances
En intégrant essentiellement des œuvres du XIXe siècle, l’Orientalisme d’Edward Saïd permet de dégager une tendance majoritaire, celle d’une hiérarchisation entre le sujet et l’objet qui place l’Orient et l’Occident dans un rapport de domination de l’un par l’autre[1]. Ce travail n’a pas seulement donné lieu à des prolongations scientifiques comme les études postcoloniales ou les réflexions théoriques sur les rapports de domination dans les processus de représentation ; il a, comme en témoigne Saïd lui-même dans sa préface de 2003, alimenté un discours qui n’était pas le sien et qui oppose dans une lutte frontale et irréconciliable l’Orient et l’Occident alors même que le propos était de revenir sur la stabilité apparente et dangereuse de ces termes.
I Description du projet
A Articuler représentation et connaissance
Afin de mieux d’éviter les écueils que ces termes opposent à la recherche, mon projet non seulement s’écarte des notions trop imprécises d’Orient et d’Occident mais il s’attache aussi à relier, en permanence et comme processus fondamental de la création littéraire, toute représentation à une connaissance. Que la représentation précède ou suive la connaissance, qu’elle la supplante (ce qui engendre des fantasmes) ou qu’elle en découle, elle doit s’articuler, dans les recherches en littérature, avec l’étude positive des diffusions, de la curiosité et de la dimension scientifique qui l’accompagne, même de manière sourde.
La France d’aujourd’hui confond bien souvent les termes musulman, Arabe, Maghrébin et le dangereux discours du « choc des civilisations » inscrit les relations entre l’Europe occidentale et le monde arabo-musulman dans un rapport, au mieux, d’exotisme. On connaît bien désormais le travail scientifique des « premiers » orientalistes français, ceux de la génération de Galland. Or, ils n’ont pas évolué sur une terre vierge, et le monde arabe n’était pas inconnu à leur époque[2]. Les travaux récents de Jan Loop prouvent la fécondité de ce questionnement sur les pré-orientalistes[3] : revenir au XVIe siècle dans cette perspective, c’est se poser la question de l’antériorité des rapports, non pas seulement de représentation mais de connaissance, et, dans ce processus, l’Espagne joue un rôle majeur pour la France.
B Le rôle essentiel de l’Espagne
Le choix de ce pays est important. L’Espagne compte, durant tout le XVIe siècle, et jusqu’à leur expulsion en 1609, de nombreux Morisques, issus de familles musulmanes et convertis au catholicisme dans les premières années du siècle[4]. Tous ne sont pas crypto-musulmans, tous ne maîtrisent pas l’arabe mais beaucoup connaissent au moins des rudiments de cette culture qui les définit socialement. L’arabe et l’islam ne sont pas exotiques en Espagne et la France, toute proche, qui entretient des liens étroits avec la Péninsule ibérique[5], profite scientifiquement de cette richesse souterraine et rarement mise au jour. L’Italie des grands ports comme Gênes ou des grands centres comme Rome et Venise qui comptent de nombreux juifs arabisés, n’est pas l’unique porte d’entrée de l’arabe[6]. L’Espagne lieu où vivent, écrivent et circulent des arabophones durant tout le siècle en est un autre, souvent bien moins connu.
Le projet se propose donc de faire le point sur cette première entrée de l’arabe en France, par l’Espagne, au XVIe siècle afin de montrer de quelle manière une forme de curiosité scientifique s’intéresse à la langue arabe comme à l’Islam. Reconstituer en partie ces réseaux permettra de voir se dessiner non seulement de quelle manière s’enseigne la langue arabe au début du XVIe siècle mais aussi de montrer que cette langue, en France et encore moins en Espagne, n’est en rien une découverte du siècle suivant.
C Etat de l’art
L’originalité du projet réside dans la confrontation de domaines de recherches complémentaires et pourtant peu mis en perspective. Les relations entre l’arabe et la France ont déjà fait l’objet d’ouvrages décisifs et qui restent une base de travail importante, notamment ceux de Josée Balagna Coustou qui font le point sur la présence de l’arabe dans la France du XVIe siècle dans les bibliothèques et institutions officielles[7]. Ces deux ouvrages suggèrent des approfondissements notamment sur les réseaux d’apprentissage en amont, comme en aval des productions littéraires françaises. La connaissance des milieux arabophones espagnols permet de mettre en perspective de manière nouvelle ces éléments. Sur la question des rapports entre l’Orient et l’Occident, la bibliographie est importante, même si elle concerne essentiellement le XVIIe siècle et les siècles suivants. On peut bien sûr citer le Dictionnaire des orientalistes de langue française, publié par François Pouillon[8] qui recense quelques notices d’arabisants français du XVIe siècle. Comme pour tout « dictionnaire » de cet ordre, l’exhaustivité ne doit pas être attendue et il est en effet tentant de compléter, pour le XVIe siècle, cet énorme travail. Les récits viatiques ont occupé plus massivement la recherche ces dernières années, et les récents ouvrages de Frédéric Tinguely témoignent de la fécondité de ce champ aujourd’hui mieux connu[9]. Mon projet se nourrit de ces travaux mais ne concerne que marginalement la question du voyage en Orient. Les différentes questions abordées par ce projet nécessitent que l’on revienne sur l’avancement de la recherche de manière spécifique pour chaque domaine, ce que nous proposons à la suite.
II Réseaux de connaissance non érudite
A Les Morisques et la question de l’acculturation, étude de réseaux non érudits
Le statut de la langue arabe en Péninsule ibérique dans le dernier tiers du XVe siècle et le premier tiers du XVIe est différemment perçu par les chercheurs. Une tendance massive s’impose à partir des travaux des arabisants et historiens d’Al-Andalus qui s’accordent à parler d’une « acculturation » rapide et massive, dès le XVe siècle[10]. Les histoires littéraires arabes s’arrêtent ainsi le plus souvent au siècle précédent, voire au XIIIe, mettant en avant le fait que l’instabilité politique du royaume de Grenade associée à l’avancée des chrétiens et à la position périphérique de l’Espagne dans l’ensemble du monde musulman ne permettent plus la constitution d’un centre culturel arabophone solide et que les productions littéraires et scientifiques en arabe sont progressivement abandonnées en Péninsule, au profit des langues romanes[11].
Certaines productions en arabe classique sont pourtant très tardives. Les travaux fondateurs de Conception Castillo Castillo de l’université de Grenade, poursuivis par les recherches de Célia del Moral montrent au contraire qu’une activité arabophone se poursuit jusqu’au XVIe siècle en Espagne[12]. L’étude minutieuse de ces artefacts tardifs ne parvient pas à contredire le réel amoindrissement du nombre et de la qualité des productions arabophones lors de cette dernière période de présence arabophone en Espagne mais elle permet de mettre en question une partie de cette théorie de l’acculturation totale.
Les études morisques se sont concentrées sur la production de manuscrits dits aljamiados (rédigés en langue romane et notés en alphabet arabe) qui semblent, par leur contenu même, témoigner de cet éloignement inéluctable du monde arabo-musulman en Espagne. On peut toutefois lire cet étrange corpus comme la preuve, au-delà de l’abandon, de fait, de la langue arabe classique, d’un maintien de la culture arabo-musulmane encore vivante à la fin du XVIe siècle, notamment en Aragon[13]. Les récents travaux de Mercedes García Arenal et Fernando Rodríguez Mediano montrent que, du moins jusqu’au milieu du siècle et plus vraisemblablement jusqu’aux suites politiques de la guerre des Alpujarras (1570), des manuscrits en arabe classique circulent à Grenade, ce qui implique qu’ils ont des lecteurs, sans doute principalement des médecins, beaucoup de Morisques ayant trouvé à l’université de médecine de Grenade un moyen d’étudier puis de travailler alors que la plupart des hautes fonctions leur était interdites[14]. Ces grandes lignes dessinent au moins partiellement un embryon de réseau intellectuel constitué d’individus qui portent en eux la connaissance de l’arabe.
Les travaux sur le médecin et transfuge Miguel de Luna montrent que la stratégie employée, à la fin du XVIe siècle, par ce traducteur officiel de l’arabe à la cour de Philippe II puis Philippe III, s’appuie sur l’affirmation d’un rejet complet de ce que l’arabe contient de dissident en terme de religion (c’est la langue d’un faux livre et d’un faux prophète) et en même temps sur le désir de connaissance de cet univers, de la part de ses contemporains, et donc de sa supériorité, en tant qu’arabophone[15]. Certes, les manipulations de Miguel de Luna montrent assez que ses contemporains ignoraient en général tout de cette langue mais lui la connait suffisamment pour attiser le désir de connaissance.
Il faut ainsi s’efforcer de croiser deux champs différents de connaissance de l’arabe et de l’Islam : un champ de connaissance érudite, relativement aisé à identifier notamment grâce à la circulation de manuscrits arabes et à leur acquisition précoce en France ; et un champ de connaissance non érudite, beaucoup plus complexe à établir, construit sur des relations personnelles ou des circulations orales dont certains textes littéraires témoignent.
B Le manuscrit aljamiado d’Alexandre musulman
Le fonds aljamiado, qui compte à peu près 500 manuscrits, conservé principalement dans les bibliothèques espagnoles[16], offre un instantané d’une forme de culture non érudite, musulmane et partiellement arabisée. Les Morisques ont ainsi noté ce qui leur semblait le plus à même de les définir en tant que crypto-musulmans. Corpus complexe à lire et à analyser, il rassemble, a priori et selon les titres mêmes, essentiellement des contenus religieux. En étudiant le manuscrit intitulé Recontamiento del rey Alexandre[17], on se rend compte pourtant que non seulement certains de ces manuscrits peuvent tout à fait être lus avec une approche littéraire (contrairement aux approches en général privilégiées, la philologie, la linguistique ou l’islamologie) et qu’ils témoignent de l’existence d’un bassin tardif de connaissances non érudites directement issues de l’univers culturel arabo-musulman espagnol. Cette sira reprend un manuscrit oriental bien plus ancien et en actualise le contenu en le liant à l’histoire spécifique de la communauté morisque dans laquelle il est produit. La finale conversion d’Alexandre à l’islam suivie de près de celle de son maître Aristote entre en résonnance directe avec les préoccupations érudites ou pseudo-érudites des milieux chrétiens de la même époque. Les manuscrits aljamiados n’étaient pas lus en dehors des cercles très restreints des crypto-musulmans aragonais. Leur existence même nous renseigne sur une circulation souterraine qui s’appuie non pas sur des représentations fantasmées mais sur une connaissance non érudite.
C Le personnage de Muhammad dans le roman de Loubayssin de la Marque
Un exemple romanesque tardif permet de comprendre l’impact de cette présence des Morisques dans la représentation de l’islam et de l’arabité en France. Selon Alexandre Cioranescu[18], le premier roman français à faire intervenir le prophète musulman directement dans son tissu narratif est l’œuvre inachevée de Loubayssin de la Marque, très lié à l’Espagne où il réside plusieurs années et où il publie certaines de ses œuvres directement en castillan[19]. En consultant les archives de Gascogne, on apprend que ses relations avec l’Espagne l’ont amené, vraisemblablement, à côtoyer des Morisques[20]. Ce roman constitue un exemple particulièrement précieux pour l’étude des réseaux de transmissions entre la France et l’Espagne. La représentation qu’il donne de Muhammad ne ressemble en rien à ce que les textes de l’époque laissent entendre, il est par exemple tout à fait informé d’un certain nombre d’éléments contenus dans les « Vies du Prophète », matériau bien représenté dans les communautés Morisques. S’il ne s’agit en rien d’une preuve d’érudition livresque (ce qui rapproche cet exemple de l’exemple précédent sur l’Alexandre musulman), il s’agit bien d’une connaissance et non d’une représentation fantasmée.
Sans doute est-ce difficile d’envisager ce type de transmission parce qu’il dépasse en partie l’univers essentiellement livresque qui occupe les recherches en littérature mais il est important aujourd’hui d’approfondir nos études aussi dans cette direction, moins directement identifiable et qui nécessite non seulement des compétences en arabe mais aussi en espagnol ainsi que le croisement de sources multiples donc de plusieurs disciplines.
III Connaissance érudite
A La Gammatica arabica[21] de Postel, exemple exceptionnel
Guillaume Postel (1510 – 1581) est bien connu des hébraïsants et des spécialistes de la cabale puisqu’il en fut l’introducteur dans la sphère chrétienne. On connait, depuis notamment le travail de Frank Lestingant[22], « l’obsession turque » de Postel qui date de sa participation à l’Ambassade de Jean de la Forest à Constantinople (1535-1537)[23]. Son ouvrage, De la République des Turcs[24] ne se contente pas de décrire les mœurs ottomanes, l’organisation de la Sublime Porte ou les lieux emblématiques de cet espace qu’il découvre, il contient aussi un « manuel de conversation » en turc ottoman transcrit en alphabet latin qui propose des exercices de morphologie lexicale et est avant tout destiné à un usage pratique de la langue tel que peuvent le rechercher les marchands ou les diplomates.
On connait moins, malgré quelques études décisives[25], l’arabisant qu’il fut, désireux, très tôt dans sa carrière, de faire connaître l’ensemble des « alphabets » connus à son époque[26] et plus particulièrement cette langue dans laquelle est rédigé le Coran et que parlent « les trois quarts de l’humanité » selon la description qu’il développe dans l’introduction du Duodecim reprise au début de sa Grammatica arabica. On a beau jeu, aujourd’hui, de juger sévèrement cette grammaire, souvent trop allusive, voire, à quelques endroits, particulièrement difficile à suivre. Le latin qu’il emploie est difficile à lire comme en témoigne José Balagna[27]. La traduction exhaustive de cet ouvrage est pourtant possible et nécessaire. Si les « grammaires arabes » postérieures, et notamment celle d’Erpénius, sont bien plus proches de ce que l’on attend d’un tel ouvrage, celle de Postel n’a pas que le mérite d’être un premier essai, bien antérieur au siècle des « orientalistes » mieux connus et mieux formés. Elle témoigne d’une curiosité scientifique pour une langue et une culture « qu’il faut enseigner et apprendre ».
Postel n’est pas un « islamophile » et les nombreuses précautions oratoires qu’il prend dans son introduction sont suffisamment claires pour qu’on ne le l’assimile, à aucun moment, à une sorte de néo converti : l’islam, comme le judaïsme, doivent finalement se fondre dans le christianisme vainqueur. S’arrêter à cela, c’est s’interdire de voir la leçon profondément humaniste qui se dessine au fil de sa grammaire et qui s’achève sur un bien curieux encouragement à « lire le Coran », seule véritable méthode pour comprendre le système de vocalisation en arabe puisque les exemplaires du Coran sont vocalisés[28]. Les deux exercices finaux de l’ouvrage (plus proche sans doute de « notes de cours », voire d’un « manuel » de l’étudiant, ce qui explique en partie, son caractère parfois allusif), font se succéder une traduction en arabe du Notre Père et une traduction en latin de la fatiha, ou sourate d’ouverture[29]. L’étude de ce texte permet de sortir de préoccupations relatives à une simple représentation. Postel connaît la langue arabe, il est capable de lire des manuscrits rédigés dans cette langue[30], il est capable aussi de rendre compte d’une grammaire dont il admire l’esprit de système et qu’il décrit avec les termes métalinguistiques des grammairiens arabes. On sort là d’un rapport de domination, puisqu’au XVIe siècle les rapports de force entre l’Occident chrétien et le monde musulman ne préfigurent pas ce qui va suivre ; la puissance de la Porte ne fait aucun doute et les manuscrits arabes scientifiques suscitent curiosité et envie[31]. Il s’agit d’un rapport qui dépasse la simple représentation pour entrer dans le champ de la connaissance.
La Grammaire arabe de Postel, qui propose des caractères typographiques arabes dont l’auteur est, à raison, très fier, n’est pas le seul exemple qui témoignerait de cette connaissance loin des fantasmes et qui impose un regard tout à fait différent sur la question. François Secret a pu montrer qu’il a à sa disposition non seulement L’afliya[32], grammaire arabe andalouse sans doute utile pour décrire avec plus de précision cette langue que des « maîtres puniques » lui ont enseignée mais aussi l’Arte para ligeramente saber la langua arabica, aujourd’hui mieux connu, vraisemblablement œuvre d’un Morisque converti et publié en 1505 afin d’aider les missionnaires chargés de la conversion des musulmans de Grenade[33]. Rédigé en castillan et noté en alphabet gothique, l’Arte de Pedro de Alcalá témoigne d’une vision toute différente de la langue arabe puisque la curiosité de Postel est ici remplacée par une visée principalement utilitariste qui s’inscrit, déjà, dans un rapport de domination. Le lexique arabe-castillan qui le suit le prouve : unidirectionnel, il vise moins à enseigner à comprendre un arabophone qu’à « se faire comprendre de lui ».
La comparaison de ces trois textes : L’alfiya, l’Arte et la Grammatica permet de montrer de quelle manière de différencient ces trois connaissances de la langue arabe et de sortir de la seule logique de la représentation fantasmée. Dans les trois cas en effet, très différents dans leur présentation matérielle, dans leurs buts avoués ou tacites, le lecteur est confronté à un discours scientifique sur la langue (qu’il soit partiel ou non, erroné ou non) bien loin d’autres discours, contemporains ou postérieurs, principalement nourris de fantasmes.
Postel naît une quinzaine d’années après la mort d’al-Qaysî[34] et cinq ans après la parution de l’Arte de Pedro de Alcalá. Si l’on sait qu’il a contacté des savants notamment italiens pour tenter de récupérer les caractères typographiques du premier Psautier trilingue dont il possédait un exemplaire, son intérêt pour la langue arabe ne peut être séparé de ce qui se passe de façon tout à fait contemporaine en Espagne, véhiculé ou moins par les Marranes généralement arabisés dans la Péninsule. Le projet, qui s’articule autour de l’ouvrage postelien et de son contexte de production est, de fait, plus vaste. La Grammatica arabica de Postel qui suit chronologiquement le manuel d’apprentissage de Pedro de Alcalá et s’inscrit dans les diffusions du Canon d’Avicenne, de traités d’astrologie, d’astronomie, de médecine ou d’alchimie, est un témoin majeur de l’existence de ce terreau de connaissance dans lequel poussent les fictions de l’époque.
Lazare Sainéan, dans La langue de Rabelais[35], montre que l’arabe du célèbre humaniste est un arabe de seconde main largement issu de traductions latines du Canon d’Avicenne. N’ayant vraisemblablement qu’une très légère connaissance de cette langue[36], Rabelais intègre dans son œuvre des termes translittérés de médecine, de pharmacie, d’astrologie et d’alchimie qui sont tous passés par le bas-latin. Comment apprend-on l’arabe au début du XVIe siècle ? Gargantua souhaite que Pantagruel l’apprenne mais on est en droit de se demander comment, avant Postel (donc Postel lui-même), les personnes intéressées par cette langue pouvaient procéder pour en acquérir les rudiments[37]. Langue « difficile », « exotique », « éloignée », l’arabe ne jouit pas, comme le grec et l’hébreu, du statut de langue dont la connaissance est nécessaire pour lire les Saintes Ecritures. Bien plus proche de Paris que ne le sont le Moyen Orient ou le Maghreb, l’Espagne compte pendant tout le XVIe siècle un bassin d’arabophones que l’Arte s’évertue à convertir au christianisme à défaut de parfaitement les « castellaniser ».
S’il est ardu de reconstituer des réseaux de connaissances non érudites et des enseignements sous terrains non officiels, on peut remarquer que l’expulsion des juifs espagnols, dès 1492, a eu pour conséquence immédiate de les mettre en contact direct avec des zones géographiques moins concernées par les langues sémitiques. Est-ce un hasard si le jeune Postel, déjà polyglotte et déjà hébraïsant, est employé au collège Sainte Barbe dont le directeur est un descendant de Marranes portugais, Jacques de Gouvéa et qui est partiellement financé par les couronnes d’Espagne et de Portugal[38] ? D’abord au service du catalan Jean Gélida, Postel apprend tout à la fois le castillan et le portugais et s’intéresse à l’hébreu et à l’arabe.
B Une bibliothèque arabe pré-moderne en France
Cette étude des réseaux érudits et non érudits s’accompagne d’un travail nécessaire sur l’histoire des acquisitions précoces de manuscrits arabes en France.
Les différentes collections constituées par des hommes politiques comme Mazarin, Seguier ou Colbert, qui décide en 1667 de verser le fonds oriental de la Bibliothèque de Mazarin à la Bibliothèque royale, ou des arabisants privés comme Eusèbe Renaudot, Thévenot ou Peiresc constituent le premier fonds oriental de la Bibliothèque Nationale de France. Si la littérature théologique domine de façon tout à fait prévisible, d’autres contenus (littéraires, scientifiques, historiques…) témoignent d’une recherche diversifiée qui ne s’attachait pas seulement à l’objet de collection mais au texte lui-même. La réunion de certains de ces manuscrits, notamment ceux dont le contenu est le plus rare ou le plus inattendu (recueils de poèmes, de maqamât, ouvrages d’astrologie ou de médecine) permettrait non seulement de les rendre accessibles mais aussi de présenter de manière organisée cette « première bibliothèque » orientale dont Galland et ses contemporains tireront profit. La constitution d’une collection de manuscrits numérisés peut ainsi servir à des recherches sur l’avancement des connaissances de l’Islam en France au XVIIe siècle dont la Bibliothèque orientale de d’Herbelot offre un instantané commenté dans les dernières années du siècle[39]. Ce travail doit mettre en lumière la politique novatrice de la France dans ce domaine et montrer la curiosité foisonnante des hommes politiques décisionnaires comme des chercheurs contemporains qui ont su profiter de cette générosité intellectuelle.
La numérisation d’un premier manuscrit aljamiado (ms. 774 de la BNF) acquis au XVIIe siècle ouvre ce travail car il témoigne d’un intérêt particulièrement vaste pour l’Islam en général et plus particulièrement dans sa dimension espagnole donc tout à fait proche.
S’il n’est pas question de produire une collection exhaustive de ces manuscrits acquis avant la grande campagne lancée par Colbert, un choix judicieux de thématiques emblématiques accompagnera des recherches sur les collectionneurs eux-mêmes et notamment les arabisants afin de déterminer les réseaux d’acquisition des textes mais aussi les chaînes de transmission de la langue et de l’intérêt français pour le monde arabo-musulman. Certains de ces ouvrages passent de main en main avant d’être versés à la bibliothèque royale et sont parfois accompagnés de notices rédigées par leurs propriétaires successifs ; il est important de rappeler que ces collectionneurs n’étaient pas simplement fascinés par ces objets « exotiques » (la section orientale de la bibliothèque de Mazarin est résumée par le terme exotica) mais par leurs contenus que les humanités numériques peuvent aujourd’hui rendre accessibles.
Il s’agit ainsi de rendre hommage au travail colossal de ces précurseurs animés d’une curiosité positive et désireux de comprendre le monde arabo-musulman, fascinés par sa proximité et sa richesse. Cet intérêt trouve ses racines dans ces textes, ambassadeurs pacifiques ; à l’origine, au-delà des velléités politiques immédiates de Colbert, d’un rapport à l’Islam spécifiquement français et que l’on pourrait qualifier d’altérité familière.
Il s’agit ainsi de mettre en évidence la patiente constitution d’une connaissance érudite française de l’arabe par l’étude de la langue mais aussi par la constitution d’une bibliothèque arabe pré-moderne dans la continuité de ce que j’ai établi en partenariat avec le Consulat de France à New York, financeur de cette première étape d’un projet plus vaste, Duke University (USA, Caroline du Nord), pour l’instant hébergeur du projet, la BNF et l’Université de Lille.
Regrouper dans un seul site numérique les manuscrits arabes les plus anciennement acquis par la France, en retracer l’histoire et en proposer une numérisation correcte est un effort nécessaire pour mieux comprendre l’ancienneté de cette curiosité française pour le monde arabe. Cela constituera un objet précieux pour de nombreuses autres recherches puisque cette réunion numérique permettra de constituer une bibliothèque virtuelle, celle à laquelle avait accès Postel par exemple, afin de dépasser la seule logique de la représentation fantasmée pour entrer dans l’étude d’une véritable connaissance, par les textes eux-mêmes et en langue arabe. Assimilés à des trésors, ces manuscrits ont progressivement constitué la future base de travail des grands orientalistes français du XVIIe siècle, bibliothèque qu’ils ont eux-mêmes enrichie.
La plupart des manuscrits arabes anciennement acquis par la France ont des contenus éloignés de ce que l’on aimerait trouver en littérature. Ces contenus divers permettent de comprendre le statut de la langue arabe en France au XVIe siècle dans les réseaux érudits et impliquent une recherche pluridisciplinaire qui accepte d’intégrer des spécialistes de domaines non-littéraires. La réunion des manuscrits concernés ne s’articule ainsi non pas sur leur contenu mais sur leur date d’acquisition. Des colloques invitant les divers spécialistes de ces contenus sont donc à prévoir. L’intérêt du projet réside aussi dans l’établissement d’un nombre restreint de manuscrits anciennement acquis par la France et qui soient représentatifs d’un ensemble plus vaste, quitte à en enrichir par la suite les rayonnages virtuels.
Comme en témoignent les étapes de ce vaste projet déjà réalisées ou en cours de réalisation (la numérisation manuscrit 774[40] de la BNF, la Grammatica arabica dont j’ai fini la traduction), chaque objet crée son propre champ de recherche parfois déjà constitué en amont, parfois à constituer ou à approfondir. L’apport de la mise à disposition organisée de ce corpus exceptionnel que possède la BNF a pour but de montrer l’antériorité de la curiosité française pour la langue arabe et pour le monde musulman arabophone. Ecrasée sans doute par la présence massive de représentations littéraires du monde ottoman dans la France du XVIIe siècle, par le discours des « orientalistes » du XIXe siècle, l’étude des relations culturelles de la France avec le monde arabe à la Renaissance doivent redonner à ces discours leur place dans une histoire longue et complexe.
IV Apport théorique prévisible dans le champ littéraire
Le projet dans son ensemble tend donc à revenir sur l’origine des « représentations littéraires » pour mieux les articuler à une connaissance positive des objets représentés. Dans mon ouvrage[41], je montre qu’en partant du postulat d’hybridité, on fonde une critique littéraire qui implique la séparation d’au moins deux éléments différents. En étudiant le corpus romanceril, j’ai été confrontée aux limites de cette approche théorique. Peut-on par exemple clairement identifier ce qui vient d’une littérature « sémitique », sans y inclure l’Ancien Testament ? L’hybridité, concept horticole, est en fait peu applicable aux productions littéraires.
Dans ce nouveau projet, j’ai donc privilégié une autre approche, celle qui consiste à identifier ce qui est « homogène » au contenu et ce qui est « hétérogène » au contenu. Cela met en effet en jeu la notion d’intention du texte puisqu’un élément donné peut être, en fonction du contexte, soit lié à un effet volontaire d’étrangeté, soit être intégré à un continuum référentiel dans lequel l’élément n’est pas utilisé dans ce sens. Cette approche critique permet de dépasser les questions liées à la provenance de motifs littéraires toujours très délicats à identifier et à manipuler. Cela implique aussi une conscience parfaite du contexte de production afin de déceler, par l’étude de ce qui entoure le texte lui-même, de quelle manière son auteur connait ce qu’il représente ou utilise.
Enfin, le projet s’articule autour de traductions et d’éditions de textes peu connus car inaccessibles du fait de leur rareté (comme le roman de Loubayssin de la Marque) ou de leur langue (comme les manuscrits aljamiados ou le recueil en arabe classique d’al-Qaysî). Ces travaux visent à mettre à disposition à un plus large public de chercheurs des éléments nécessaires à l’élaboration d’un discours différent sur les relations entre la France et le monde arabe au XVIe siècle mais aussi sur le rôle des « pré-orientalistes » dans l’histoire des connaissances du siècle suivant.
[1] Note Edward Saïd, L’Orientalisme, l’Orient crée par l’Occident, trad. Catherine Lamamoud, Paris, Seuil, 2005 [1978].
[2] Comme en témoigne, à elle seule, la Bibliothèque orientale. Barthélemy d’Herbelot de Molainville, Bibliothèque orientale, ou dictionnaire universel contenant tout ce qui fait connaître les peuples de l’Orient. […], La Haye, Jean Neaulmes, 1777.
[3] Jan Loop, Alastair Hamilton et Charles Burnett (dir.), The Teaching and Learning of Arabic in Early Modern Europe, Brill, 2017.
[4] Barbara Fuchs, Passing for Spain, Cervantes and the Fictions of Identity, Urbana et Chicago, University of Illinois Press, 2003 ou Bartolomé Bennassar, L’homme espagnol, attitudes et mentalités du XVIe au XIXe siècle, éd. Complexe, 2003, [1975], sur les Morisques voir par exemple Bernard Vincent, « L’expulsion des Morisques du Royaume de Grenade et leur répartition en Castille », Mélanges de la Casa de Velázquez, Madrid, Casa de Velázquez, n°6, 1970 ou Minorías y marginados en la España delsiglo XVI, Diputación provincial de Granada, 1987.
[5] Sur la question des rapports entre les littératures espagnole et française on peut consulter par exemple G. Lanson, « Etudes sur les rapports de la littérature française et de la littérature espagnole au xviie siècle (1600 – 1660) », Revue d’Histoire Littéraire de la France, 3ème année, n°3 1896, 1897, Paris, Armand Colin ; Alexandre Cioranescu, Le masque et le visage : du baroque espagnol au classicisme français, Genève, Droz, 1983, José Manuel Losada Goya : Bibliographie critique de la Littérature espagnole en France au 17ème siècle, Genève, Droz, 1999, ou encore les chapitres consacrés à cette question dans l’Histoire de la traduction en langue Française, XVe-XVIe siècle sous la direction de Véronique Duché et XVIIe-XVIIIe siècle, sous la direction d’Yves Chevrel, Annie Cointre et Yen-MaïTran-Gervat, Paris, Verdier, 2015.
[6] Tristan Vigliano, Parler aux musulmans, quatre intellectuels face à l’islam à l’orée de la Renaissance, Genève, Droz, 2017ou d’Aurélien Girard comme « Les manuels de langue arabe en usage en France à la fin de l’Ancien Régime », Les Manuels d’arabe d’hier et d’aujourd’hui, Paris, BNF, 2013, p. 12-26.
[7] Arabe et humanisme dans la France des derniers Valois, Paris, Maisonneuve et Larose, 1989 et L’imprimerie arabe en occident, Paris, Maisonneuve et Larose, 1984.
[8] éd. Karthala, Paris, 2012.
[9] Le voyageur aux mille tours, les ruses de l’écriture du monde à la Renaissance, Champion, Paris, 2014 et L’écriture du Levant à la Renaissance, enquête sur les voyageurs français dans l’Empire de Soliman le Magnifique, Droz, 2000.
[10] L’ouvrage de Rachel Arié reste une référence majeure : L’Espagne musulmane au temps des Nasrides (1232-1492), Editions E. de Boccard, Paris, 1973.
[11] Mahmud Sobh, Historia de la literatura árabe, Madrid, Cátedra, 2002, on peut consulter aussi l’ouvrage fondateur d’Abû’-l-‘Abbas A. al-Maqqarî, Nafh at-tîb, éd. et notes Ihsân ‘Abbâs, Beyrouth, Dar Sader, 1988, (Parfum exhalé du tendre rameau d’Espagne [1620]).
[12] Concepción Castillo Castillo, « Alrededor de las últimas manifestaciones poéticas del Islam andaluz », Estudios árabes, dedicados a D. Luis Seco de Lucena, éd. Concepción Castillo Castillo, Inmaculada Cortés Peña, Juan Dedro Monferrer Sala, Al-Mudun, Granada, Universidad, 1999, p. 77 – 91. Celia del Moral, « La literatura del periodo nazarí », Estudios Nazaríes, éd. cit. p. 29-82.
[13] Sur les manuscrits aljamiados
on peut consulter les travaux récents de l’équipe COTEAM dirigée par Juan Carlos Villaverde à l’université d’Oviedo, www.arabicaetromanica.com.
[14] Mercedes García Arenal et Fernando Rodríguez Mediano, “Sacred History, Sacred Languages: The Question of Arabic in Early Modern Spain », Jan Loop, dir., op. cit., p.133-162 et Un Oriente español. Los moriscos y el Sacromonte en tiempos de Contrarreforma, Boston, Brill, 2013.
[15] Miguel de Luna, pseudo. Abulcacim Tarif Abentarique, La verdadera historia del rey don Rodrigo, en la qual se trata la causa principal de la perdida de España, y la conquista que della hizo Miramamolin Almançor, Rey que fue del Africa, y de las Arabias, y vida del Rey Jacob Almançor, Valencia, Claudio Macé, 1646, [1599].
[16] La BNF possède quatre manuscrits aljamiados.
[17] Voir les chapitres que j’ai rédigés sur ce manuscrit dans l’ouvrage collectif dirigé par Catherine Gaulier-Bougassas, La fascination pour Alexandre le Grand dans les littératures européennes (Xe-XVIe siècle). Réinventions d'un mythe, Turnhout, Brepols, 2014, 4 tomes.
[18] Op. cit.
[19] Les Adventures héroyques et amoureuses du conte Raymond de Toulouse, et de Don Roderic de Vivar, par le Sr Loubaissin de La Marque, gentihomme gascon, Paris, T. du Bray, 1619.
[20] Voir mon article « L’Espagne, l’amour et le prophète : étude d’un roman de l’auteur bilingue Loubayssin de la Marque qui fait apparaître Muhammad », Le roman au temps d’Henri IV, Frank Greiner (dir.), à paraître.
[21] Guillaume Postel, Grammatica arabica, Paris, Pierre Gromors, sans date [1540 ?].
[22] Ecrire le monde à la Renaissance : quinze études sur Rabelais, Postel, Bodin et la littérature géographique, Paris, Paradigmes universitaires, 1993, « Guillaume Postel et l’ « obsession turque », p. 272-298.
[23] De nombreux travaux sont consacrés aux œuvres de Guillaume Postel, on peut se reporter à ceux de François Secret ou au tableau récapitulatif de ses écrits par Claude Postel, Les écrits de Guillaume Postel publiés en France et leurs éditeurs, 1538-1579, Genève, Droz, 1992.
[24] Guillaume Postel, De la Republique des Turcs et là où l’occasion s’offera, des meurs et loy de tous Muhamedistes, Poitiers, Enguibert de Marnef, 1560.
[25] José Balagna Coustou, Op. cit., 1989, p. 70-72 sur la Grammatica arabica, F. Secret, « Guillaume Postel et les études arabes à la renaissance », Arabica, 9, 1962, p. 21-32, J. Fück, Die arabischenStudien in Europa, Leipzig, 1955.
[26] Guillaume Postel, Linguarum Duodecim characteribus, Paris, Lesculier, 1538 (caractères arabes xylographiques), voir José Balagna, op. cit., 1984.
[27] « L’on ose espérer que toutes les explications qu’il développe en latin (et quel latin…) ne sont là que pour soutenir ou remémorer son cours, car livrées à elles seules, débitées en vrac, sans un alinéa, parsemées de comparaisons avec l’hébreu et le chaldéen, elles ont l’air absconses se superbement indigestes. » op. cit., 1989, p. 69.
[28] « Quia verohaec lingua ut plurimum sine punctis legitur, nisi in alcorano, in quo bonas horas collocare homini Christiano nisi confutatione superfluum iudico ». Grammaire arabe, éd. cit, non paginé.
[29] Sur cette traduction de la fatiha voir l’ouvrage de Tristan Vigliano, « Le Coran des latins : un impossible décentrement ? Les deux cas exemplaires de Robert de Ketton et Jean de Ségovie », Réforme, Humanisme, Renaissance, n°178, 2°14, p. 137-174, dans l’édition critique du Mithridate de Gessner (1555) de Bernard Colombat, on trouve un chapitre de Jean-Patrick Guillaume sur la traduction du Notre Père en arabe par Guillaume Postel, Conrad Gessner, Mithridates, éd. Bernard Colombat et Manfred Peters, Genève, Droz, 2009 p. 60 et suivantes.
[30] Le mss. Arabe 2499 de la BNF de ‘Abd al-Gabbâr ibn Muhammad al-Haraqî al-Tabitî présente par exemple un exlibris de Postel, voir l’annexe de Arabe et humanisme en France, op. cit., p. 127.
[31] Postel formule ainsi dans la préface de sa Grammatica : « Taceo genera disciplinarum praeclarissime ab illius linguae authoribus pertracta. Astrologiam et rei medicae praximillis debemus. » non paginé.
[32] Grammaire arabe en mille vers due à Ibn Malik, grammairien arabo-andalou de Jaén (1204-1274) incluse dans un manuscrit arabe composé de plusieurs textes acquis en 1515.
[33] Pedro de Alcalá, Arte para ligeramente saber la lengua arábiga, Grenade, 1505 (Postel en possédait un exemplaire).
[34] Il s’agit d’un poète arabo-andalou de Baeza, auteur d’un vaste recueil en arabe classique, témoignage exceptionnel de l’avancée des chrétiens dans les dernières années du royaume nasride de Grenade, il est sans doute mort vers 1486. Voir mes chapitres sur la question dans mon ouvrage Le lieu, l’histoire, le sang, Paris, Classiques Garnier à paraître en 2018.
[35] Statkine Reprints, Genève, 1976, p. 20-26 principalement.
[36] Lazare de Sainéan pose directement cette question : « Rabelais savait-il l’arabe ? Si la Briefve Declaration est son œuvre, il l’aurait au moins étudié, car, à propos des Catadupes de Nil, on lit cette explication : « Lieu en Aethiopie, onquel le Nile tombe de haultes montaignes en si horrible bruyt, que les voisins du lieu sont presque tous sours, comme escrit Claude Galen. L’evesque de Caramith, celuy qui en Rome fut mon precepteur en langue arabicque, m’a dit que l’on oyt ce bruyt à plus de trois journee de long : qui est autant que de Paris à Tours. », op. cit., p. 21.
[37] François Rabelais, Pantagruel, ch. VIII « J’entends et veulx que tu aprenes les langues parfaictement. Premierement la Grecque comme le veult Quintilian. Secondement la Latine. Et puis l’Hebraicque pour les sainctesletres, et la Chaldaicque et Arabicque pareillement. » Paris, Gallimard, « Pléiade », p. 244.
[38] Arabe et humanisme en France, op. cit., p. 47.
[39] Tous les manuscrits arabes de la BNF sont numérisés mais cette numérisation est souvent de mauvaise qualité.
[41] Le lieu, l’histoire, le sang, éd. cit.