Veronique Goudinoux
Axes de recherche
Trois axes caractérisent mes recherches.
1. Recherches actuelles sur les collaborations entre artistes
Depuis une dizaine d’années, je travaille sur les pratiques de co-création et les collaborations entre artistes. La préparation de l’HDR m’a permis, par la rédaction de l’ouvrage inédit, de proposer une synthèse de mes recherches, qui a donné lieu à une publication aux Presses universitaires du Septentrion.
En 2014, j’ai proposé au Centre d’étude des arts contemporains, le laboratoire auquel je suis associée, de créer un programme de recherche pluridisciplinaire éponyme. Véronique Perruchon (PR en Etudes théâtrales) s’y est alors associée, de même que, un peu plus tard, Séverine Bridoux-Michel, membre associée du CEAC (professeure à l’Ecole d’architecture et de paysage, Villeneuve d’Ascq, laboratoire LACTH).
Ce programme pluridisciplinaire (ouvert aux chercheurs en arts plastiques, théâtre, danse, musique, cinéma et architecture) étudie les collaborations et pratiques de co-création contemporaines initiées par des artistes contemporains.
Depuis 2014, j’ai organisé et co-organisé cinq journées d’étude et dirigé sur cette question un numéro thématique de la revue déméter, revue électronique du CEAC.
Je poursuis actuellement ces recherches sur les pratiques de co-création les plus remarquables de ces dix dernières années : conférences-performances, œuvres en duos, pièces conçues par des collectifs d’artistes, etc., pratiques collaboratives dans le domaine de l’architecture, pratiques collaboratives rassemblant artistes et chercheur-e-s de diverses disciplines, dont les sciences dites « dures ». Les questions du travail, des processus de création, des formes de sociabilité inventées dans ces cadres collaboratifs, sont au cœur de mes interrogations.
Apports dans le domaine concerné :
De manière générale, les pratiques collaboratives ont tendance à susciter une adhésion implicite. La mobilisation par les commentateurs des pratiques collaboratives des notions de « commun », de « vivre ensemble », de « communauté » ou d’émancipation par le « collectif » favorise une forme d’idéalisation des pratiques collaboratives et de co-création contemporaines assez peu critiquée. En revanche, la perspective analytique qui est la mienne me semble ouvrir de nouvelles interprétations. Mon ouvrage Œuvrer à plusieurs interroge notre temps dans et hors du champ de l’art, questionne les relations entre individu et groupe, entre petite et grande sociétés, et suggère plusieurs modèles pour définir les relations entre les artistes membres des regroupements étudiés ‒ modèle fusionnel, économique et coopératif, politique et critique, expérimental. Située entre histoire de l’art, histoire culturelle et anthropologie, critique à l’égard d’une histoire qui privilégie le devenir autonome de l’art, ma pratique de chercheure tente d’ouvrir une réflexion sur les pratiques collaboratives contemporaines et sur leurs postulats souvent demeurés implicites.
Par ailleurs, mes recherches récentes portant sur les pratiques artistiques les plus contemporaines m’ont permis de dégager une typologie mettant en évidence des régimes visant à décrire ces œuvres et les enjeux qui sont les leurs (le régime de la fabrique de l’histoire, le régime du laboratoire, le régime de l’oralité, etc.).
2 Recherches sur les relations entre art et sexuation
Entre 2004 et 2009, je me suis intéressée à la question de la sexuation dans le champ des arts contemporain, intérêt qui m’a conduite en 2006 à mener un programme interrogeant de manière très ouverte le rôle de la sexuation en art, à chroniquer pour la revue Critique d’art les quelques catalogues monographiques consacrés à des artistes femmes (Claude Cahun, Jana Sterbak), ou à discuter les thèses de Charles Harrison selon lesquelles la peinture, à la fin du XIXe siècle, devient moderne à la fois lorsqu’elle se préoccupe de son médium et quand elle insère la question de la différence des sexes à la surface des toiles elles-mêmes – quand, par exemple, elle fait entrer le spectateur masculin dans la compétition sexuelle sous l’espèce du spectateur et qu’elle donne à ses figures féminines la conscience qu’elles sont observées. Avec Serge Gruzinski, Charles Harrison, Maureen Murphy et bien d’autres encore, je propose donc une pratique d’une histoire de l’art qui soit située, tant géographiquement qu’historiquement, située socialement également, ou encore culturellement, au sens que donnent à ce mot les Cultural Studies ou les Gender Studies. Ces recherches continuent d'irriguer mes investigations actuelles.
2. Réflexion sur l’écriture de l’histoire de l’art contemporain /Art, exposition, mondialisation
Les travaux entrepris dans le cadre de mes recherches sur les relations entre art et sexuation, mais également ceux portant sur les collaborations entre artistes, participent d’une réflexion plus large, entreprise dès le doctorat, sur la question de l’écriture de l’histoire de l’art contemporain. Peut-on proposer un autre récit de l’histoire de l’art du XXe siècle que celui des avant-gardes, des grands mouvements artistiques ou des personnalités d’exception (la plupart du temps de sexe masculin) ? L’ouvrage proposé aux Presses du Septentrion sur les collaborations entre artistes participe de cet effort de l’histoire et de la théorie de l’art contemporain pour inventer de nouveaux objets, ou pour déplacer et décentrer leurs objets. Cette réflexion est d’autant intéressante qu’y participent à leur manière des artistes plasticiens contemporains dont les œuvres puisent dans ou réouvrent certaines archives et qui travaillent à la manière de « micro-historiens », entendant ainsi contribuer à l’écriture de l’histoire d’un art qui n’accepte plus de se laisser désigner sous la perspective de modernisme. Dans ce contexte, je m’intéresse aux études post- ou dé-coloniales, en ce qu’elles permettent ces points de vue décentrés qui engagent à proposer d’autres récits de l’histoire récente de l’art, des artistes et des expositions, en particulier de celles et ceux qui problématisent sous diverses perspectives les phénomènes relatifs à la mondialisation.