Margot Dazey
Axes de recherche
1. L'activisme musulman en contexte minoritaire
Ma thèse s'est intéressée à l'Union des organisations islamiques de France (UOIF, devenue Musulmans de France), une des principales organisations musulmanes du pays. À partir d'entretiens, d'archives et d'observations, elle souligne la conformation progressive des dirigeants de l'UOIF aux injonctions d'un islam civil via la construction d’une façade institutionnelle respectable, la disciplinarisation des membres en termes de modération politique et de discrétion, et l’adoption de positions théologiques priorisant des pratiques spirituelles sur des marqueurs de foi plus visibles. Autant de processus que je conceptualise, à partir de travaux menés sur les élites noires états-uniennes, comme parties prenantes d'une politique de respectabilité. Un de mes chantiers de recherche a été de valoriser ce travail doctoral en un livre Respectable Muslims (2024) et de terminer les derniers articles issus de cette recherche. Je creuse également la question de l'activisme musulman en contexte minoritaire dans deux directions : en réfléchissant à la manière dont les engagements musulmans s'ancrent dans les luttes de l'immigration (coordination avec Mathilde Zederman d'un numéro de Sociétés contemporaines) et en comparant les effets de la doxa républicaine sur d'autres représentants minorisés (article avec Hugo Bouvard dans Sociologie).
2. Les cadres et professions intellectuelles supérieures minorisé·es
Je mène actuellement une enquête sur les cadres et professions intellectuelles supérieures d'ascendance turque, subsaharienne et maghrébine en France. Cette enquête s'appuie sur des entretiens biographiques menés conjointement avec Élodie Druez dans le cadre d'une post-enquête qualitative de Trajectoires et Origines (TeO, INED) ainsi que sur l'exploitation statistique des deux volets de l'enquête TeO (2009 et 2020). Elle vise à comprendre les potentielles spécificités des trajectoires de ces cadres (en termes de parcours scolaires, de carrières professionnelles, de ressources socio-économiques et de situations résidentielles), leurs expériences de minoration et leur rapport au politique. Ce projet s'ancre dans un travail collectif plus large : entre 2020 et 2023, j'ai coordonné avec Élodie Druez au sein du département INTEGER de l'Institut Convergences Migrations un groupe de travail sur les personnes diplômées/qualifiées ayant une ascendance migratoire en France. Par ailleurs, j'ai co-organisé avec Élodie Druez, Malik Hamila et Yong Li une journée d'études sur "Ce que la minoration raciale et religieuse fait aux classes moyennes et supérieures" en juin 2023 au Campus Concorcet, qui a débouché sur la publication d'un numéro collectif. Enfin, j'ai co-organisé avec Margaux Viallon et Anis Zerde une journée d'études sur "Racisme dans l'ESR : enjeux subjectifs, professionnels et scientifiques" en mai 2024 au CERAPS.
3. Articulation entre théologie et sciences sociales
Je suis engagée, enfin, dans une réflexion collective sur l'articulation entre théologie et sciences sociales. Il s'agit, à partir du cas de l'islam en France, de comprendre la façon dont les contenus doctrinaux définissant l'orthopraxie et l'orthodoxie islamiques sont produits, transmis, incorporés au sein des populations musulmanes. Dans ce cadre, j'ai co-organisé avec Karim Souanef une première journée d'études sur "Le porte-parolat musulman. Trajectoires sociales, rapports de classe et usages politiques des idées" en mai 2022, et j'ai co-organisé avec Sarah Aiter, Hamza Esmili, Diane-Sophie Girin, Karim Souanef et Younes van Praet un séminaire sur "Sociologie des savoirs islamiques" de janvier à novembre 2023 soutenu par l'Institut d'études de l'Islam et des sociétés du monde musulman. Cette démarche collective se poursuit désormais dans le cadre d'un projet ANR "Socialisations islamiques : Transmission et incorporation de savoirs religieux en contexte minoritaire", qui se déroulera jusqu'en 2027. En s'intéressant aux apprentissages religieux à une triple échelle (les transmissions familiales, les façonnages institutionnels et le contenu des savoirs islamiques), il s'agit de réfléchir au concept de socialisations islamiques, défini provisoirement comme le processus de transmission et d’incorporation active de savoirs pratiques et théoriques en lien avec la tradition islamique.