Faïz Gallouj
Axes de recherche
Principaux champs de rcherche génériques
- Economie de l’innovation
- Economie des services
- Economie de l’innovation dans les services et par les services
- Productivité et performance dans les services
- Services et développement durable
- Les services dans les pays en développement et émergents
- Innovation sociale et innovation de service
- Innovation dans les services publics
Présentation synthétique des thématiques de recherche
L’essentiel de mes travaux porte sur la question de l’innovation dans les services. Cette question est longtemps restée verrouillée dans une « trappe de compétences », l’économiste, mais aussi le gestionnaire, s’évertuant à appliquer les catégories analytiques disponibles sans trop se préoccuper de leur adéquation à une activité économique singulière par bien des aspects. L’innovation dans les services a ainsi longtemps été réduite à l’adoption de systèmes techniques d’origine industrielle par les services. Dans ma thèse (1992), je me suis efforcé de montrer que, dans une perspective analytique de démarcation et d’autonomisation (par opposition à la perspective traditionnelle d’assimilation et de subordination vis-à-vis de l’industrie), les services sont innovants, pourvu qu’on accepte l’idée que cette innovation puisse prendre des formes différentes, s’organiser différemment... Par la suite, j’ai poursuivi cet effort de « déverrouillage » selon plusieurs perspectives liées.
1) Une multiplication des terrains d’investigation : de l’assimilation à la démarcation
Les premiers travaux que j’ai consacrés à la spécificité de l’innovation dans les services ont porté sur les services intensifs en connaissances et en particulier le conseil (publications dans Research Policy, Revue d’Economie Industrielle, The Services industries Journal, International Journal of Service Industry Management, la Revue française de gestion). L’hypothèse sous-jacente à ce choix est l’idée que, si l’innovation dans les services présente des spécificités, c’est dans les services les plus purs qu’elles se manifestent le plus naturellement. Puis, j’ai multiplié les domaines d’investigation en m’intéressant aux services intensifs en information tels que la banque, l’assurance, La Poste (publications dans European Journal of Innovation Management, International Journal of Service Industries Management), puis à des services plus opérationnels (commerce, tourisme, transport, nettoyage, services de soins aux personnes âgées) (Revue française des affaires sociales, International journal of services technology and management). A l’heure actuelle mes travaux sont plus particulièrement centrés sur les services publics (publications dans Research Policy, European Journal of Health Economics, International Journal of Service Industry Management, The service industries Journal, Revue d’économie industrielle, Structural change and Economic Dynamics, Revue française d’économie). Dans l’ensemble de ces travaux sont identifiées des formes d’innovation non technologiques, qui généralement échappent aux outillages traditionnels et des modalités particulières d’organisation de l’innovation.
2) Une perspective d’évaluation alternative : du visible à l’invisible, de la mesure à l’évaluation
L’économie des services soulève des problèmes difficiles de mesure. J’ai mené un certain nombre de travaux méthodologiques financés par l’OCDE, le Ministère de la recherche et l’INSEE, centrés sur une critique des définitions et indicateurs officiels de la R-D et de l’innovation. J’ai ainsi contribué à la révision des Manuels de Frascati et d’Oslo de l’OCDE, en défendant la nécessité d’introduire des innovations non technologiques dans les définitions officielles et d’envisager la R-D dans les services comme une activité composite de Conception-Développement mêlant des aspects de S&T, de SHS et d’ingénierie organisationnelle (publications dans Science and public Policy, Revue d’économie industrielle).
Mon intérêt pour l’évaluation s’est déporté vers la question de la productivité. Dans le cadre de travaux financés par le Ministère des affaires sanitaires et sociales, j’ai rendu compte des difficultés théoriques et méthodologiques posées par le concept de productivité dans une économie des services et de la connaissance et j’ai plaidé pour l’élaboration de systèmes d’évaluation pluralistes (publications dans la revue d’économie industrielle, Politiques et management publics, Annals of public and cooperative economics, un ouvrage en anglais publié chez Edward Elgar et un autre en français chez Peter Lang).
3) Une perspective théorique : de la démarcation à l’intégration
En m’appuyant sur une conception lancastérienne du produit en termes de caractéristiques (caractéristiques techniques, de service et de process, compétences), j’ai tenté d’élaborer une grille théorique intégratrice de l’innovation dans les services et dans les biens. J’ai ensuite défini l’innovation comme une dynamique des caractéristiques qui s’opère selon une arithmétique très simple : addition, soustraction, association, dissociation, formatage des caractéristiques (Publications dans Research Policy, Journal of Evolutionary Economics, ouvrage chez Eward Elgar, etc.)
Sur le plan théorique, j’ai également réfléchi, à contrepied de la question de l’innovation dans les services, à la question de l’innovation par les services, c’est-à-dire au rôle que peuvent jouer certains d’entre eux (et notamment la R-D, l’ingénierie et le conseil) dans la performance et l’innovation de leurs clients industriels ou de service. J’ai ainsi introduit l’idée d’un modèle de Schumpeter 3 ou modèle d’innovation interactionnelle, qui viendrait compléter les modèles bien connus de Schumpeter 1 (entrepreneurial) et 2 (monopolistique) (publications dans Economies et Sociétés et contribution à deux ouvrages).
4) Une perspective de politique publique : combler le "policy gap"
En croisant mes deux champs de recherche principaux, je me suis intéressé à la relation innovation-performance. Je mets ainsi en évidence non seulement un « innovation gap » qui traduit la différence entre la réalité de l’innovation dans une économie et ce que les indicateurs traditionnels de l’innovation (R-D, brevets) perçoivent, mais aussi un « performance gap » qui mesure la différence entre la réalité de la performance et la performance évaluée par les outils économiques traditionnels (essentiellement la productivité et la croissance). L’existence de ce « double gap » brouille la relation innovation-performance et est à l’origine d’un « policy gap ». Elle conduit ainsi à s’interroger sur le bien-fondé de certaines politiques publiques de soutien à l’innovation, centrées sur la seule relation innovation visible-performance visible (publications dans la revue d’économie appliquée, Intereconomics, Technological Forecasting and Social Change et dans le Handbook of Innovation and Services).
5) Les champs de recherches en cours et les perspectives futures
Mes champs de recherche actuels sont les suivants :
a) Les réseaux d’innovation public-privé dans les services (RIPPS). Les RIPPS sont des réseaux d’innovations (RI) particuliers qui décrivent des collaborations entre organisations de services publiques et privées dans le domaine de l’innovation technologiques et non technologique. Il s’agit d’examiner la manière dont les caractéristiques des RIPPS peuvent contribuer à modifier et enrichir le concept traditionnel de RI, et d’en tirer d’éventuels enseignements en matière de politique publique (un ouvrage publié aux éditions Edward Elgar, une publication en cours dans la revue d’économie industrielle, un chapitre dans un ouvrage collectif chez Peter Lang, un article dans Journal of Innovation Economics, un article dans Innovation-Cahiers d’Economie et Management de l’Innovation, la coordination d’un numéro spécial dans la revue Service Science, un article dans Economics and Policy of Energy and Environment ).
b) Les services et le développement durable. Je m’intéresse aux services et à l’innovation dans et par les services, dans leur relation au développement durable. Il s’agit ainsi de contribuer à atténuer la conception industrialiste, technologiste, écologiste et curative du développement durable, encore dominante dans une économie des services (publication dans the Handbook of service sciences, Les Cahiers de l’innovation, Ecological economics, Journal of evolutionary economics, Technological Forecasting and Social Change, Revue d’économie politique, Structural change and Economic Dynamics, Journal of Inspiration Economy, Economics and Policy of Energy and Environment, Revue d’économie industrielle, un ouvrage chez Peter Lang, un chapitre d’ouvrage chez Springer).
c) La question de l’innovation sociale dans ses liens avec l’innovation de service. Ces deux problématiques ont de très nombreux points communs quand elles ne désignent pas tout simplement la même réalité socio-économique. Je souhaite contribuer à établir un dialogue entre ces deux champs qui se méconnaissent malgré leur proximité (un article dans Innovations - Cahiers d’Economie et Management de l’Innovation, un article dans European Journal of Innovation Management, un chapitre dans un ouvrage publié par Springer, la coordination d’un numéro spécial dans la revue Industry and Innovation).
d) Les services dans les pays en développement. Il s’agit ici d’examiner les modalités particulières de tertiarisation des économies émergentes et en développement (articles dans The Service Industries Journal, Economics and Policy of Energy and Environment, Journal of Inspiration Economy).
e) La co-création de valeur dans les services publics. Cette thématique de recherche est au cœur du projet européen CO-VAL (H2020), que je coordonne pour la France de 2017 à 2021. Il s’agit de comprendre la manière dont les processus de co-production, de co-design, de co-construction et de co-innovation (mobilisant de multiples parties prenantes, en particulier les agents publics et les citoyens) contribuent à la co-création de valeur dans les services publics européens. Dans ce contexte général, je m’intéresse, en particulier, aux réseaux d’innovation spontanés ou planifiés, qui se manifestent dans les services publics pour co-produire des innovations sociales. Sur ce thème, j’ai publié entre 2019 et 2022 plusieurs articles dans des revues référencées par le CNRS (Research Policy, Technological Forecasting and Social Change, Public Management Review, European Management Review, European Review of Service Economics and Management. A partir de 2022 jusqu'en 2025, je poursuis cette réflexion sur la cocréation de valeur dans les services publics dans un nouveau projet européen intitulé LibrarIN (Value Cocreation and Social Innovation for a New Generation of European Libraries).
A la marge de ces problématiques liées aux services, j’ai également mené, en collaboration avec Faridah Djellal, une réflexion, qui relève davantage de l’histoire des idées, sur les liens entre, d’une part, Joseph Schumpeter (et l’analyse néoschumpétérienne) et, d’autre part, le sociologue français Gabriel Tarde (article publié dans la Revue Economique).
Je mène, par ailleurs, actuellement un travail prospectif sur les grands défis de recherche dans le domaine de l’innovation dans les services. Je m’intéresse à l’innovation dans les services dans ses relations à un certain nombre de grands défis contemporains : les trajectoires religieuses, le vieillissement de la population, les problématiques de genre, les problèmes éthiques et sociétaux, les questions de l’emploi, des compétences et de l’entrepreneuriat, les écosystèmes de services intelligents, les nouveaux défis d’évaluation…(ouvrage publié chez Edward Elgar en 2018, intitulé « A Research Agenda for Service Innovation ». Ce travail prospectif a été mené parallèlement à un important travail de synthèse qui a abouti à la publication de la Elgar Encyclopedia of services. Ce volumineux ouvrage dont j'ai coordonné la publication comporte près de 300 entrées rédigées par les meilleurs spécialistes internationaux des services, originaires d'une quarantaine de pays différents.