J’ai découvert l’historiographie de la linguistique et les textes grammaticaux antiques en suivant les cours de Jean Collart, qui enseignait la grammaire latine à la Sorbonne. Après l’agrégation de grammaire, en 1974, et, à la fin de ma scolarité à l’ENS-Ulm, une année de stage à l’Ecole normale d’Etiolles, dans l’Essonne, et au lycée Claude Monet à Paris, j’ai soutenu une thèse de 3e cycle en 1977 sous la direction du successeur de Jean Collart, Pierre Flobert, qui m’avait orienté vers un auteur qui constitue l’un des pivots de l’Antiquité tardive, le grammairien latin de Constantinople Priscien.

Recruté comme assistant de latin à Paris 4 en 1977, avec un enseignement qui portait sur la pratique de la langue et l’histoire de la langue à tous les niveaux, jusqu’à l’agrégation de Grammaire, j’ai commencé sous la direction de Pierre Flobert une thèse d’Etat portant sur l’apparition et le développement de la notion de syntaxe dans le domaine romain, tout en publiant très tôt, en collaboration avec Françoise Desbordes, un volume de présentation de l’histoire de la linguistique dans l’Antiquité, qui comportait de nombreux textes traduits, beaucoup pour la première fois, et qui était destiné, avec l’aide des principes de traduction que permettaient l’audace et le goût des innovations propres aux années 70, de réconcilier les spécialistes de linguistique générale avec une histoire de leur discipline que beaucoup négligeaient, voire ignoraient.

Devenu Maître de conférences en 1986, j’ai soutenu ma thèse d’Etat l’année suivante, qui a été publiée en 1989 aux éditions de Minuit avec le soutien de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Je m’attachais à y montrer que les Romains ont à plusieurs reprises, notamment à la fin de la République avec Varron, et à la fin de l’Antiquité avec Priscien, donné une interprétation originale et novatrice des analyses de type syntaxique mises en place dans le domaine grec par les stoïciens et les grammairiens alexandrins.

Un poste de Professeur de langue et littérature latines étant ouvert à l’Université de Lille 3, le directeur de l’UFR de langues anciennes de l’Université de Lille 3, Laurent Dubois, devenu depuis directeur de recherche à l’EPHE, m’a invité à le rejoindre. J’ai été élu à ce poste en 1995 et j’ai découvert les étudiants du Nord, dont on m’avait vanté à juste titre le sérieux et l’application. Parallèlement, les travaux auxquels je participais depuis plusieurs années de façon informelle avec Jacqueline Dangel pour croiser les recherches les plus novatrices menées en littérature, en anthropologie et en linguistique dans l’étude de l’Antiquité romaine m’ont conduit en 2002 à la tête d’une structure qui permette d’organiser ces travaux : cela a été la fonction du GDR 2643 Ars scribendi, qui regroupait quinze équipes françaises et étrangères combinant leurs recherches propres dans cette perspective transversale, et que j’ai dirigé pendant deux quadriennaux (2002-2005 et 2006-2009).

Par aillleurs, j’ai réuni à partir de 2002 un groupe de chercheurs (latinistes, linguistes, historiens des théories linguistiques) pour traduire l’une des œuvres les plus riches, mais aussi l’une des plus difficiles d’accès de l’Antiquité tardive, la Grammaire de Priscien, qui, malgré son importance dans l’histoire de la culture occidentale, n’a pas encore été traduite dans une langue moderne. Héritier de la tradition romaine de la description et de l’analyse des éléments du langage, Priscien a entrepris de renouveler cette tradition par les apports grecs. Il a engagé ainsi à la fin de l’Antiquité une synthèse et une refonte de la grammaire antique en faisant confluer ses principaux courants. Incontestable innovateur, Priscien a été ce passeur par qui l’époque médiévale a eu connaissance de la description linguistique complexe, et notamment de la syntaxe, dont il est l’introducteur dans le monde latin : son influence, décisive durant tout le Moyen Age, a encore des échos perceptibles jusque dans la tradition classique.

Le groupe de chercheurs ainsi formé, constitué en 2008 en association (loi de 1901) ayant son siège social à l’Université de Lille, sous le nom Ars grammatica – et que je préside depuis sa création –, comporte dix chercheurs, qui se réunissent tous les mois. Quatre tomes de l’Ars Prisciani ont été publiés jusqu’à présent, et le cinquième est prévu pour le début de l’année prochaine.

Sur le plan des activités collectives, un premier passage au CNU alors que j’étais Maître de Conférences m’a conduit, une fois Professeur, à présenter en 1999 une liste non partisane destinée à défendre ce que je crois être l’intérêt de l’institution universitaire. Elu président de la 8e section à deux reprises entre 2000 et 2011, je me suis efforcé, depuis ce poste qui permet une sorte de vue d’ensemble de la profession, de veiller à ce que les qualifications et les promotions qui relèvent du CNU n’obéissent qu’à des critères qui, pour hétérogènes qu’ils puissent être compte tenu des différentes tâches d’un enseignant-chercheur, soient conformes à l’équité et à l’intérêt de l’Université et de son rayonnement scientifique.