Appel à contributions pour un numéro de la revue Itinéraires sur Corps et territoire : pratiques artistiques et sensibles du Sud Global

https://journals.openedition.org/itineraires/15272

Coordination

Juan Carlos Baeza Soto, université Sorbonne Paris Nord (Pléiade), juancarlos.baezasoto@univ-paris13.fr.

Marcelle Bruce, université de Lille (CECILLE), marcelle.bruce@univ-lille.fr.

Estelle Vanwambeke, université Sorbonne Paris Nord (Pléiade), estelle.vanwambeke@univ-paris13.fr.

Argumentaire

Dans un monde où les épistémologies et les esthétiques issues de la modernité occidentale dominent encore largement les sphères académiques, intellectuelles et artistiques, la revue Itinéraires consacre un dossier à l’exploration d'autres voix, d'autres expériences et d'autres cosmovisions dans les pratiques artistiques. Ce dossier met en lumière des onto-épistémologies qui, à travers des langages symboliques et sensibles, remettent en cause l’universalité supposée des canons eurocentrés et ouvrent la voie à ce qu’Enrique Dussel (2017) appelle une « transmodernité ».

Depuis la fin du xxe siècle, le monde institutionnel de l’art (musées, académies, centres d’exposition, etc.), historiquement eurocentré, s’est engagé dans un processus de diversification intégrant des expressions artistiques et esthétiques venues du Sud Global et cherchant à construire une « histoire horizontale de l’art » (Piotrowski, 2014), par un effort de décentrement. La modernité est une option parmi d’autres, rappellent Mignolo (2000) et Salamanca (2023).

Les artistes s’exprimant depuis des énonciations non modernes/occidentales trouvent ainsi progressivement reconnaissance et visibilité, malgré les incompréhensions conceptuelles et épistémologiques ou les préjugés folklorisants (Cusiquanqui, 2018). De même, des pratiques sensibles et symboliques, longtemps reléguées au statut de « pré-modernes », commencent à dialoguer avec les pratiques artistiques modernes et contemporaines.

Ces pratiques et expressions, issues des marges du monde moderne/occidental, s'énoncent depuis des lieux spécifiques, des histoires locales (Mignolo, 2000) et des corpo-politiques (Mignolo, 2000 ; Grosfoguel, 2010), en opposition aux énonciations universalistes de la Modernité. Elles se caractérisent par un engagement à l’égard des communs, qui implique une responsabilité́ et une sensibilité́ politiques partagées entre les individus, une « éthique-esthétique du care décoloniale », comme le propose Salamanca (2023). Elles sont souvent nourries par les luttes, notamment féministes et autochtones, qui s’ancrent dans la reconnaissance d’une interdépendance ontologique entre les êtres. Ces luttes ont montré combien l’accaparement et l’exploitation des ressources naturelles et des corps sont intrinsèquement liés dans le système capitaliste globalisé (Federici, 2018).

Dans cette perspective, il devient difficile de penser les corps indépendamment des territoires, tout comme il est ardu de concevoir l’art comme une activité autonome, déconnectée des autres sphères de la vie. En effet, grâce à l’étude du corps et du territoire, bon nombre d’artistes et d’intellectuels du Sud Global tentent d’accéder au double du réel : à savoir une réalité qui est certes accompagnée d’une réalité issue de la subjectivité humaine mais aussi des frontières perméables du corps pouvant incarner la puissance physique, l’exaltation d’un idéal ou, au contraire, la recherche ou la dénonciation d’une force morale ou politique (Breton, 2006). Le corps, en tant que lieu d’exercice d’une subjectivité collective ou individuelle qui découvre le monde et a fortiori le lieu de l’expérience du monde, conduit la pensée artistique à faire l’apprentissage de l’existence comme libre mouvement vers l’indépendance ou vers un conflit qui oppose son autonomie à tous les obstacles qui s’exercent pour tarir l’affirmation du sujet. Par l’entremise des objets que sont les représentations artistiques, s’affrontent le corps imaginal et le corps physique mais cette essence animée qui se temporalise et se spatialise en corps social et politique cherchera toujours des principes de solidarité ou d’union visant à circonscrire la volatilité de la matière au moyen d’une pensée singulière ou d’un projet et d’un esprit toujours contestataires.

Dans ce dossier, plutôt qu'une perspective biopolitique centrée sur les mécanismes de contrôle de la vie et des corps des individus, nous privilégions une approche décoloniale, s'intéressant aux formes par lesquelles ces corps résistent et créent des alternatives au pouvoir hégémonique.

Nous accueillerons des contributions portant notamment sur les pratiques artistiques/sensibles/symboliques en relation avec :

  • Les épistémologies, philosophies et cosmovisions issues des peuples subalternes et des traditions de pensée non occidentales.
  • Les pratiques décoloniales et de justice épistémique/esthétique.
  • Le dialogue interculturel et les métissages esthétiques comme résistance à l'hégémonie culturelle.
  • L'affirmation de subjectivités, identités, mémoires et histoires subjuguées.
  • Le réenchantement du monde par la réhabilitation du sacré, du spirituel et du rituel.
  • Les rapports renouvelés au vivant et aux territoires.
  • Les utopies concrètes et les récits alternatifs pour un monde habitable.

Format de la proposition

Les propositions de contribution, sous forme de résumé (environ 1 000 caractères espaces compris, soit 200 mots environ), accompagnées d’une notice bio-bibliographique (500 caractères espaces compris, soit une centaine de mots environ), sont à envoyer avant le 15 janvier 2025 à :

Calendrier prévisionnel

  • 25 octobre 2024 : lancement de l’appel à contribution ;
  • 15 janvier 2025 : date limite de réception des propositions ;
  • 15 mai 2025 : date limite de réception des articles ;
  • 15 décembre 2025 : date de retour des articles révisés ;
  • Publication prévue : premier semestre 2026.

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