Manuel Goubet
Axes de recherche
Spectroscopie de molécules complexes
Deux approches combinant expérience et théorie se dégagent de mes travaux. Dans les deux cas, la méthode théorique est calibrée sur le jeu de données expérimentales disponible. Ainsi, on gagne en confiance sur les autres résultats issus de ce calcul, qui n'ont pas de contrepartie expérimentale. Il est alors possible soit de s'appuyer sur ces données purement théoriques pour discuter de la physico-chimie du système étudié (e.g. structure moléculaire, paysage conformationnel, énergie de la liaison hydrogène), soit de les recombiner pour obtenir des résultats semi-empiriques ne pouvant être issus directement de l'expérience (e.g. paramètres de rotation interne, énergie libre de complexation).
Expérimentalement, la spectroscopie dans les domaines microondes (rotation pure) et infrarouges (rovibration) donne accès aux propriétés structurelles (géométrie), dynamiques (vibrationnelle) et énergétiques (surface d'énergie potentielle) d'un échantillon. L'observation de cet échantillon en phase gazeuse, soit en sondant sa vapeur (équilibre thermodynamique) soit par détente supersonique (relaxation adiabatique), permet une étude intrinsèque en l'isolant de quasiment toute influence d'un milieu extérieur.
Théoriquement, les calculs de chimie quantique offre une voie indépendante, quasi ab initio, d'accès aux propriétés physico-chimiques du système étudié. Leur interaction avec l'expérience doit avoir lieu à toutes les étapes : en amont à des fins prédictives, en parallèle pour un soutien réciproque et en aval afin d'obtenir les paramètres moléculaires pertinents.
Depuis 2006, je fais partie de l’équipe Physique Moléculaire aux Interfaces (PMI) du laboratoire de physique des lasers, atomes et molécules PhLAM – UMR8523 CNRS/Université de Lille. Mes activités de recherche s’intéressent (i) aux systèmes moléculaires d’intérêt atmosphérique, (ii) aux molécules d’intérêt astrophysique et récemment à (iii) l’étude des traceurs d’explosifs.
(i) systèmes moléculaires d’intérêt atmosphérique
Les composés organiques volatils (COVs) jouent un rôle important dans les mécanismes physico-chimiques en jeu dans l'atmosphère (formation de l'ozone, des gaz à effet de serre). Les COVs et leurs produits de dégradation sont également connus comme sources d'aérosols organiques secondaires (SOA), eux-mêmes influençant le climat terrestre par absorption/diffusion du rayonnement et formation/modification de la durée de vie des nuages. Dans ce contexte, la caractérisation en laboratoire des propriétés moléculaires des COVs ainsi que de leurs processus de dégradation/nucléation est capitale en physico-chimie de l'atmosphère. Mes recherches sur ce sujet, à la fois expérimental et théorique, s'appuie principalement sur la spectroscopie microonde avec le soutien de calculs quantiques, à l’aide des spectromètres et moyens de calculs présents au laboratoire PhLAM. De nouveaux spectromètres au meilleur état de l’art sont également en cours de développement (thèse de Noureddin Osseiran). En complément, des expériences peuvent être réalisées au synchrotron SOLEIL (TGE), en particulier sur la plateforme Jet-AILES dont le PhLAM est partenaire, sur la ligne de lumière infrarouge AILES. Ce travail s’inscrit dans le WP1 du Labex CaPPA (Chemical and Physical Properties of the Atmosphere), qui vise à caractériser les précurseurs gazeux des aérosols par spectroscopie en phase gazeuse et également en lien direct avec le CPER ClimiBio (WP 1) et sa demande de renouvellement Climense.
(ii) molécules d’intérêt astrophysique
Cette thématique consiste en l’étude expérimentale et théorique des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) de taille moyenne afin de mesurer et de modéliser leur signature en phase gazeuse à haute résolution dans la gamme spectrale micro-ondes et infrarouge. Les HAP représentent une classe de molécules organiques présentes dans de nombreux domaines particulièrement en astrophysique. Les HAP et leurs dérivés (analogues azotés, radicaux, ions, …) sont fortement suspectés d'être à l'origine de signaux non-identifiées observées dans le milieu interstellaire. Cependant, la majorité des molécules détectées ne sont que de petite taille (typiquement moins de 10 atomes), principalement à cause d'un manque de données de laboratoire à haute résolution sur des systèmes plus larges empêchant leur indubitable identification. Dans le cas des HAP et leurs dérivés (seulement cinq études haute résolution depuis 2003 à notre connaissance), leur détection dans le milieu interstellaire par radio-astronomie s'est avérée infructueuse jusqu'à présent, justifiant les efforts d’obtention de données spectroscopique de laboratoire. Ce travail reçoit chaque année le soutien de l’INSU via le programme PCMI (Physico-Chimie du Milieu Interstellaire).
(iii) traceurs d’explosifs
Dans une conjoncture où les menaces terroristes n’ont cessé de croître, les chercheurs œuvrent à développer des capteurs où la recherche combinée de la sensibilité et de la sélectivité a été privilégiée. En ce qui concerne la détection d'explosifs, une difficulté porte sur la grande diversité des composés disponibles qu’ils soient d’origine industrielle ou artisanale. En laboratoire, il s’agit de sonder la pression de vapeur saturante d’un ensemble d'espèces moléculaires cibles représentatives de la présence d’explosifs dans le domaine microonde qui offre l’accès à une excellente résolution (caractère discriminant) en ciblant leurs spectres rotationnels. L’objectif est d'une part d'utiliser la spectroscopie rotationnelle et les calculs de chimie quantique pour constituer une base de données inédite de signatures rotationnelles millimétriques haute-résolution des principaux marqueurs d'explosifs et d'autre part, de créer un instrument ultra-sensible accompagné d'un programme de taxonomie spectrale dont l'efficacité sera démontrée en zone habilitée sur un mélange pré-établi au près d'experts en matériaux énergétiques.