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Federico Bassi

Maître de conférences CNU : SECTION 05 - SCIENCES ECONOMIQUES Laboratoire / équipe

Axes de recherche

Dépendance au sentier et hystérèse

La macroéconomie standard présuppose un retour systématique des systèmes économiques à leur trajectoire optimale, grâce au fonctionnement du marché qui permet au prix de fluctuer et de s'ajuster à la valeur d'équilibre, celle qui égalise la demande agregée à l'offre de plein emploi existante. Ainsi, la persistance observée du chômage sur un niveau supérieur au niveau initial, à la suite d'un choc négatif, est expliquée par des mécanismes exogènes et extérieurs au système économique (chocs technologiques exogènes, chocs concurrentiels, etc...) sur lesquels la politique économique est essentiellement impuissante. Le rôle des politiques économiques serait donc de stabiliser le système sur ce nouveau équilibre caractérisé par un taux de chômage plus élevé, plutôt que de le forcer à revenir sur son niveau de départ.

Une explication alternative de ces phénomènes de persistance repose sur le concept de dépendance au sentier et, plus précisément, d'hystérèse, d'après lequel les systèmes économiques ne conservent pas la mémoire des équilibres précédents (et encore moins des conditions d'optimalité de ces équilibres) mais peuvent, au contraire, emprunter des trajectoires potentiellement sous-optimales. Par conséquence, un système économique qui se trouve hypothétiquement sur une trajectoire de plein emploi, peut, à la suite d'un choc négatif temporaire mais suffisamment important, emprunter une nouvelle trajectoire caractérisée par du chômage involontaire, sans revenir spontanément sur sa trajectoire optimale de départ. Plutôt que de faire confiance aux vertus du marché et interpreter tout changement durable comme un phénomène structurel ineluctable, il appartient à la politique économique d'identifier correctement la trajectoire optimale et d'assurer que le système gravite autour de cette trajectoire, malgré les chocs imprévisibles dont il serait atteint.

PIB potentiel et output gap

Les principales institutions internationales (entre autres, FMI, Commission européenne et OCDE) utilisent des modèles économétriques plus ou moins sophistiqués pour produire des séries empiriques du PIB potentiel - défini comme le PIB maximal qu'un pays peut atteindre avant d'entrer dans une spirale d'inflation - afin d'étudier ses propriétés dynamiques et identifier l'écart entre le PIB observé et le PIB potentiel estimé (l'output gap). Or, ces modèles présupposent une gravitation constante du PIB autour du PIB potentiel, en représentant ce dernier comme une ligne de crête entre accélération et décélération de l'inflation (voire déflation). Ainsi, toute variation positive ou négative du taux d'inflation devient un signal efficace d'un écart positive ou négatif entre le PIB et le PIB potentiel. Un effet de cette construction théorique et méthodologique est de sous-estimer le PIB potentiel à la suite d'une récession dès lors que le taux d'inflation se restabilise, et donc de freiner le recours aux politiques de demande pour peur de creer un processus inflationniste instable.

D'après l'approche méthodologique et théorique keynésienne, l'inflation est un processus volatile mais pas forcément instable tel que l'approche standard le représente. Dès lors qu'il existe plusieurs équilibres compatibles avec la stabilité du taux d'inflation (plus ou moins élevé en fonction de l'équilibre, mais pas explosif), il est contreintuitif d'identifier le PIB potentiel en observant l'évolution du taux d'inflation. Ainsi, le PIB potentiel devrait être identifié à partir des dynamiques de l'emploi ou du taux d'utilisation des capacités productives existantes plutôt que de l'inflation. Si on estime le PIB potentiel à partir des dynamiques de l'emploi ou du taux d'utilisation des capacités productives, on retrouve une distance plus importante entre le PIB et le PIB potentiel, et donc une marge de manouvre plus importante au niveau des politiques budgétaires et monétaires avant d'entrer dans un processus inflationniste explosif.

Modèles multi-agents stock-flux cohérents

Les modèles macroéconomiques standard (Dynamic stochastic general equilibrium models - DSGE) présupposent l'existence d'un équilibre général dont l'optimalité est assurée par le comportement rationnel de leur agent représentatif - c'est-à-dire un agent dont le comportement reflète le comportement moyen de son secteur institutionnel - et par le fonctionnement optimal des marchés. Lorsqu'une politique économique est simulée, le comportement du système économique reflète, de manière symbiotique, la réaction de son agent représentatif à cette politique économique. Si l'agent connait ses conditions d'optimalité, sa recherche systématique de l'optimum se traduit par une fluctuation systématique du système économique autour de son équilibre optimal.

La méthodologie multi-agents (Agent-based - AB) représente une méthodologie alternative à la méthodologie DSGE. Cette méthodologie se base sur les principes de la théorie de la compléxité, selon laquelle les systèmes (biologiques, naturels, économiques...) se caractérisent par une multitude de comportements individuels qui ne sont pas forcément coordonnés et canalisés vers l'optimum, mais qui sont capables néanmoins de produire des équilibres et d'éviter l'explosion ou l'implosion. La coordination des comportements individuels reflète un processus d'essai et erreur, et d'adaptation constante aux comportements qui apparaissent comme efficaces - autrement dit, une rationalité procédurale et adaptative - qui ne peut se résumer au comportement optimal d'un agent représentatif clairvoyant et surdoué. Une autre méthode alternative aux modèles DSGE est celle des modèles Stock-flux cohérents (SFC). Ces modèles reconstruisent, à partir d'équations macroéconomiques agrégées, le fonctionnement des systèmes économiques en imposant le respect des contraintes posées par la comptabilité nationale, et notamment la cohérence du principe comptable de la partie quadruple. La rigueur comptable imposée par les modèles SFC permet de renforcer la robustesse et la capacité prédictive des résultats obtenus.

On assiste ainsi, depuis quelques années, à l'emergence de modèles fusionnant ces deux apports, les modèles multi-agents stock-flux cohérents (AB-SFC), qui permettent de construire un environment économique artificiel à l'image (réduite et simplifiée) des systèmes économiques réels, dans lequel il est possible de reproduire efficacement de nombreuses dynamiques macroéconomiques observées (fluctuations des taux de change et, plus généralement, des prix des actifs financiers, fluctuations des taux de chômage, fluctuations des taux de croissance, etc...), et de simuler différentes politiques économiques pour en observer les effets sur ces dynamiques.