Christophe Niewiadomski
Axes de recherche
axes de recherche
Mes travaux de recherche se sont jusqu’alors centrés sur les liens entre la recherche biographique et l’étude du travail éducatif en contexte. A cette fin, deux entrées épistémologiques et méthodologiques sont plus particulièrement privilégiées:
La recherche biographique
Celle-ci se donne pour objet d’étudier les processus de construction du sujet au sein de l’espace social, c’est-à-dire de saisir les manières dont les individus donnent forme à leurs expériences, comment ils font signifier les situations et les événements de leur existence, comment ils agissent et se construisent dans leurs environnements historiques, sociaux, culturels et professionnels. Champ de recherche très polysémique, la recherche biographique recouvre des domaines d’intervention et de recherche telles que l’autobiographie, les récits de vie, les histoires de vie en formation, les séminaires inspirés de la démarche « roman familial et trajectoire sociale », les histoires de vie de collectivité, la psychobiographie…)
La clinique narrative
Celle-ci se distingue d’une clinique médicale ou d’une psychologie clinique habituellement basées sur les catégories du diagnostic, du pronostique et du traitement. Il s’agit d’une clinique de l’accompagnement et de la formation, qui entend se montrer à l’écoute du sujet, saisi dans l’ensemble complexe de ses inscriptions et de ses déterminations, de ses motifs conscients et inconscients, de son parcours et de ses expériences.
Les recherches menées jusqu’alors dans ce domaine m’ont amené à explorer plus particulièrement :
- le domaine de l’alcoologie clinique et des addictions en croisant modèle thérapeutique et modèle formatif, à partir des apports de la formation des adultes [1];
- la thématique des liens et frontières entre histoires de vie en formation, psychothérapie et psychanalyse [2]; (comment former à l’écoute, au travail de la réflexivité, au « travail sur soi et avec les autres » de manière approfondie sans que ce travail relève pour autant d’une perspective psychothérapeutique dont la maitrise renvoie habituellement au champ de la médecine et de la psychologie clinique.)
- l’usage des histoires de vie de collectivité en milieu hospitalier [3] (quels sont les liens entre activités professionnelles, expérience, sujet et fonctionnement institutionnel et organisationnel ? Comment se constituent les collectifs de travail dans le domaine de la santé et, plus largement, dans le domaine des emplois de service. Ces métiers de la relation peuvent-ils s’accorder des logiques managériales issues du monde de l’entreprise privée ? En d’autres termes l’hôpital peut-il être considéré comme une entreprise ? Qu’en est-il de l’importance des cultures de service et de leur transmission ?)
- les enjeux de résistance liés à l’usage du récit de vie dans les situations de souffrance physique, psychique ou morale.[4] (je pense en particulier ici aux phénomènes de stress et de souffrance au travail, dans le contexte d’une sur-responsabilisation des individus et des carences de dispositifs de médiation collective dans les institutions)
- La construction du rapport à l’écriture et ses liens avec la trajectoire biographique du Sujet (comment se construit la question du rapport à l’écriture chez l’individu? S’agit-il d’un « don naturel », d’un construit culturel et social ? Qu’est-ce qui « empêche » parfois l’écriture, la rend difficile d’accès, voire parfois même impossible ? )[5]
- La formation des adultes en formation initiale par alternance et en formation continue (Quels sont les rapports entre parcours professionnel, parcours existentiel et parcours de formation) dans les métiers du travail social, de l’intervention sociale et des métiers du soin, c'est-à-dire les activités et métiers dont la raison d’être consiste à « agir sur autrui »[6]
Il apparaît que le point de convergence entre ces différentes recherches s’organise autour d’un repère central : l’attention clinique portée à la reconstruction narrative de l’histoire de vie d’une ou de plusieurs personnes par le récit oral et/ou écrit de celle-ci, c'est-à-dire l’attention portée à la question de l’expérience et aux multiples dimensions de l’activité et de la formation des adultes. L’intention et la posture clinique que je cherche à promouvoir visent à l’écoute et à la prise en compte de la singularité irréductible d’un sujet pris dans l’ensemble de ses déterminations et, d’autre part, la médiation narrative du récit en tant que lieu de réflexivité et vecteur possible de processus de formation. En résumé, dans le champ du travail éducatif, la recherche biographique et la notion de clinique narrative portent donc un intérêt marqué pour les questions relatives à :
- La construction identitaire du sujet,
- La notion d’expérience,
- La réflexivité et la mise en mots des processus réflexifs
- La professionnalisation (entendue ici comme transformation et ajustement des compétences du sujet en fonction de l’évolution de ses activités professionnelles),
- Les rapports entre qualification et compétence (en s’intéressant par exemple à la manière dont les néo-professionnels se professionnalisent, à la manière dont les individus font face aux changements et aux bifurcations professionnelles auxquels ils se trouvent confrontés),
En vue d’interroger trois dimensions:
- Quel statut clinique et scientifique accorder au discours réflexif du sujet sur lui-même et sur sa trajectoire biographique ?
- Comment et à quelles conditions la prise en compte de ce discours, individuel et/ou collectif, peut-il constituer un levier de formation, tant dans les pratiques développés auprès des usagers qu’auprès des professionnels ou des futurs professionnels du champ éducatif ?
- En quoi la recherche biographique permet-elle d’éclairer la compréhension des trajectoires, des logiques actorielles et des processus de professionnalisation dans les contextes où s’exercent le travail éducatif.
[1] Niewiadomski C. (2000) Histoires de vie et alcoolisme. A la recherche d’un espace de construction de sens avec les personnes alcooliques. Paris, Editions Seli Arslan.
[2] Niewiadomski C. & De Villers G., (2002) Souci et soin de soi. Liens et frontières entre histoires de vie, psychothérapie et psychanalyse. Paris : L’Harmattan.
[3] Niewiadomski C. & Bagros P., (2003) Penser la dimension humaine à l’hôpital. Paris : Seli Arslan
[4] Delory-Momberger C. & Niewiadomski C. (2009) Vivre – Survivre. Récits de résistance. Paris : Edition Téraèdre. Collection (Auto)biographie ∞ Education
[5] Niewiadomski C. (2013) Entre ombre et lumière : rapport à l’écriture et déterminants biographiques. Revue Cliopsy n° 10, Oct 2013. pp 97-112
[6] Niewiadomski C. & Fugier P. (2018) Les oubliés de la crise. Lille, PUS. (à paraitre) PUS.