Axe 1 : la place et le rôle de l’association dans la réponse à la question sociale

Cet axe de recherche a été initié lors de mon travail de thèse à l’Université Paris1. Partant des travaux mettant en avant le caractère pluriel de la protection sociale (Esping-Andersen, Laville), cette thèse a cherché à comprendre comment, sur le plan des idées, l’association s’articulait à l’« Etat » et au « marché » sur longue période (de 1789 à nos jours). Le principal résultat de ma thèse est de montrer comment l’association est pensée en articulation avec le libéralisme économique au XIXe siècle et comment, au XXe siècle, elle se retrouve liée à l’État social. Mais à chaque période l’idée d’association fait preuve d’une capacité d’interrogation du schème dominant de réponse à la question sociale en en soulignant les limites : la capacité du libéralisme à conduire à l’intérêt général, la capacité de l’Etat social à assurer des réponses personnelles et ajustées.

Par la suite, deux pistes ont été creusées :

-        la première porte, à l’occasion de la loi ESS 2014, sur la structuration juridique des associations tout au long du XIXème siècle et la façon dont l’Etat a façonné les différents statuts afin de s’assurer que les groupements collectifs ne soient porteurs que d’intérêts collectifs et non d’intérêts généraux.

-        La seconde porte sur la réflexion que l’on peut avoir sur l’entreprise et son rôle politique à partir des réflexions initiées au XIXème siècle. Quels statuts peuvent assurer la prise en compte de l’intérêt général et non seulement la prise en compte des intérêts communs des membres de l’entreprise  ?

la notion de l’accompagnement comme nouvelle modalité de prise en charge de la question sociale – le cas des politiques d’emploi

La notion d’« accompagnement » a connu un usage extensif en France au début des années 2000. Dans le champ des politiques d’emploi, le terme s’est imposé en se substituant aux notions d’insertion, de suivi, de placement ou d’aide au retour à l’emploi. Un tel succès n’est pas sans lien avec la contribution qu’il a apportée au renouvellement des formes d’intervention de l’Etat social. Pour autant, si l’on s’en tient au champ des politiques d’emploi et des dispositifs définis dans ce champ, mes travaux mettent en évidence que ce terme est une « boîte noire » qui se résume aux paramètres qui définissent un dispositif d’accompagnement : l’accompagnement se conçoit comme un parcours ponctué d’étapes, la mobilisation d’outils où la différence entre dispositifs portant plus sur des variations d’intensité d’usage de ces outils que sur les outils eux-mêmes (i. e. nombre de personnes dans le portefeuille du référent, nombre de rencontres prévues), l’accent mis sur l’impératif de retour rapide à l’emploi.

En dépit de ce cadre général, il est possible de distinguer une variété de pratiques d’acteurs, notamment dans la façon dont ils pensent la mise en relation des « offreurs » et « demandeurs » de travail. Sur la base d’une enquête de terrain, j’ai construit une typologie distinguant un registre d’intermédiation de la mise en relation sur le marché du travail (un « bien d’information ») et un registre d’intermédiation faisant de la mise en relation sur le marché du travail un « bien d’expérience » pour reprendre la distinction de Jovanovic. Ces postures ont des effets en termes de sélection des publics et de capacité des intermédiaires à lutter contre les effets sélectifs du recrutement

Analyse du rôle de l’entreprise comme espace de régulation collectif

La protection sociale s’est construite en France par la définition d’un ensemble de règles qui protègent l’individu selon son appartenance à des « espaces de travail ». Si historiquement, la protection sociale du travailleur voit ses principes fondateurs naître au sein de l’entreprise (Hatzfeld), la généralisation du système de protection est très largement le fait de l’Etat avec l’instauration de la Sécurité sociale, celle-ci fondant un principe unificateur de protection qui dissout les collectifs de travail du XIXe siècle au sein de la « société salariale ». Mais cette vision séquentielle (intervention respective de l’entreprise puis de l’Etat dans la protection des salariés) ne permet pas de saisir l’articulation de différents niveaux de protection des collectifs salariés : national, branche et entreprise, niveaux de protection qui font l’objet de reconfigurations aujourd’hui. C’est à cette reconfiguration que je me suis intéressée, à travers, tout d’abord, l’analyse des logiques de réformes pour en montrer, sur un plan, européen, la relative convergence. L’étude de deux espaces de régulations (celui de la protection sociale complémentaire d’entreprise et celui de la prise en charge des risques professionnels) montre la variété des pratiques de régulation à l’œuvre et la façon dont les entreprises font de ces enjeux une réponse à des questions internes : impératifs de gestion de l’emploi, structuration juridique de l’entreprise, son environnement économique.