Résumé de la thèse

Dans la thèse, j’interroge les processus par lesquels les difficultés d’accès à l’énergie des ménages français, nommées précarité énergétique depuis 2010, sont considérées comme problème public, sur les plans social et écologique. Je montre que les agencements entre dispositifs produisent des individus précaires énergétiques avec des caractéristiques différentes en raison des modalités de mise en place de l’action publique et collective et des formes de prise en charge elles-mêmes.


Je montre dans un premier temps en quoi consiste l’institutionnalisation de la précarité énergétique comme problème public, entendue comme processus par lequel un objectif partagé est érigé — reconnu, légitimé et promu — comme une finalité commune à atteindre. J’ai étudié cette institutionnalisation par une analyse de la littérature académique, professionnelle et législative relative aux difficultés d’accès à l’énergie.

 

J’analyse dans un second temps la distribution des rôles endossés par les acteurs économiques et institutionnels, publics et privés, dans la prise en charge des difficultés d’accès à l’énergie. Afin d’analyser les liens entre la  qualification de ménages « précaires énergétiques » et les arrangements institutionnels pour prendre en charge les difficultés d’accès à l’énergie, j’ai mis en place une méthode mixte de recherche. Celle-ci articule une analyse de la base de données Statistique Ressources et Conditions de Vie (SRCV) de 2017, à partir d’une analyse multidimensionnelle, pour dégager les caractéristiques des conditions financières et énergétiques des ménages. Leurs requalifications par les acteurs ont été appréhendées ensuite à partir d’une analyse compréhensive d’un corpus de 41 entretiens semi-directifs réalisés entre 2017 et 2020 auprès de 30 organisations qui prennent en charge différents aspects de la précarité énergétique. Ce corpus a également été analysé pour comprendre comment la prise en charge de la précarité énergétique est indissociable de la caractérisation des ménages et des intérêts particuliers des acteurs interrogés. La notion de convention de l’État proposée par Robert Salais, couplée à celle d’ordre de justification proposée par Olivier Godard, permettent dégager deux formes de prise en charge en situation par les acteurs économiques et institutionnels. La première repose sur un compromis marchand-civique, qui cible le consommateursolvable et qui réduit l’énergie à un bien à échanger dans un cadre juridique du droit à l’énergie. La seconde repose sur un compromis industriel-civique, qui cible le consommateur responsable et qui assimile l’énergie à une ressource naturelle à exploiter, dans un cadre incitatif de sobriété énergétique.