Jusqu’aux années 2020, mes travaux ont porté pour la plupart sur deux thèmes :

  • La sociologie historique des expériences politiques participatives et délibératives : On assiste depuis les années 1980 à la multiplication de discours politiques et savants sur les vertus de la démocratie participative ou délibérative. En parallèle, s’institutionnalisent dans les démocraties occidentales divers dispositifs dont l’ambition commune est d’accroître la participation des citoyens par la discussion collective d’enjeux publics. Or ceux-ci sont souvent perçus comme un nouveau remède à la crise que connaît le gouvernement représentatif. Mes recherches, à la croisée de la sociologie, l’histoire et la science politique, visent à historiciser cet impératif délibératif, et à retracer la genèse de ce phénomène comme discours et pratique politique. Portant sur divers terrains, elles s’articulent autour de trois axes problématiques : les effets des procédures délibératives sur les participants (formation à la citoyenneté et empowerment) ; les conséquences sur la sphère publique de la participation des citoyens à des débats (influence sur l’action publique de ces dispositifs et lien avec les mouvements sociaux) ; les liens entre des contextes historiques spécifiques et la valorisation de la délibération populaire.

  • La sociologie historique de l’amour et du mariage sous l’angle de la sociologie du genre : Mes recherches ont porté également sur la question du mariage et de l’adultère aux 19e et 20e siècles, et la sociologie du genre. Mes travaux sur ce point ont consisté essentiellement en une enquête poursuivie pendant plusieurs années sur la longue liaison qu’ont entretenue, sous la Restauration et la Monarchie de Juillet, deux amants adultères dont j’ai étudié la correspondance. Je me suis intéressée à la menace que fait peser sur leur honneur, la confrontation des amants aux normes de la respectabilité sociale, en montrant qu’à travers le récit sur soi que constitue leur correspondance, ils cherchent à sauver leur existence du déshonneur. Je me suis aussi penchée sur la question de la place de l’émotion dans ces lettres, en montrant qu’elle est caractéristique de l’expression de l’amour romantique, propre à l’époque.

Mes recherches actuelles et pour les années à venir portent sur le communalisme et l'écologie sociale.

  • J’étudie d'abord les théories et pratiques communalistes, qui donnent le pouvoir au peuple par son auto-organisation au niveau local en faisant de la commune la base de l’organisation politique d’une société. Entendue au sens d’un regroupement, sur une base territoriale, d’individus s’autogérant en assemblée générale, la commune ne procède pas d’un rassemblement sur une base affinitaire (comme dans diverses communautés intentionnelles) : elle est l’union d’habitants d’un même lieu autour d’un bien commun. Je souhaite procéder à des analyses de cas empiriques de communes comme formes d’organisation sociale en rupture avec des structures dominantes et inégalitaires de pouvoir – ceci afin d’ouvrir le champ des possibles en matière de changement social.

  • Murray Bookchin établit un lien fort entre le communalisme et l'écologie en soutenant que la décentralisation du pouvoir, une éthique écologique et le contrôle démocratique de l'économie sont des éléments essentiels pour résoudre les problèmes écologiques. Selon lui, en créant des communautés autonomes qui prennent en compte les préoccupations environnementales et en permettant une participation démocratique à la prise de décision, nous pourrions créer une société plus durable et en harmonie avec la nature. Cette inscription du communalisme dans l'écologie sociale m'a conduite à travailler de façon plus large sur les liens existant entre démocratie et écologie, sur la façon dont on peut les penser ensemble.