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Daria Francobandiera

Maîtresse de conférences CNU : SECTION 08 - LANGUES ET LITTERATURES ANCIENNES Laboratoire / équipe
03.20.41.60.48
B0.664 (département Langues et Cultures Antiques)
Composantes, facultés Spécialité Philologie, tragédie antique Domaines de recherche Eschyle, Euménides, histoire de la philologie

Présentation

Mes activités de recherche s’articulent autour de deux axes principaux :

(1) l’édition et l’interprétation des Euménides d’Eschyle

(2) l’examen critique de la tradition imprimée du théâtre eschyléen

 

(1) L’intérêt que je porte au texte des Euménides est non seulement philologique, mais aussi exégétique. Je m’intéresse, en particulier, à la reconstruction des stratégies discursives mises en œuvre dans les scènes du procès et de la persuasion des Érinyes, dont la portée est loin d’être univoque.

 

Contre la vulgate interprétative qui identifie la clé du drame dans la célébration de la politisation du droit – avec le remplacement de la vendetta familiale par la procédure judiciaire réglée –, quelques interprètes ont en effet invoqué la trivialité des arguments développés dans la plaidoirie d’Apollon, pour proposer une interprétation parodique du procès, ou le rapprocher d’une farce divine dans laquelle seraient exhibées la malice et les ruses discursives des dieux. Quant à la persuasion des Érinyes par Athéna, que l’on avait considérée comme l’emblème des potentialités civilisatrices du discours ‘raisonné’, elle serait finalement, selon certains interprètes, un mélange de violence et de corruption, accompagné d’un discours charmeur qui viserait à affecter uniquement les facultés irrationnelles des Érinyes. La compréhension du statut du discours dans le drame apparaît ainsi cantonnée autour de pôles structurels opposés (positif vs négatif, pacifique vs violent, rationnel vs irrationnel), quand elle ne retombe pas dans des ornières interprétatives ‘mineures’ (le caricatural ou le burlesque).

 

Une nouvelle analyse des modes argumentatifs et rhétoriques déployés dans la pièce est donc souhaitable, et l’outil qui me semble correspondre le mieux à cette tâche est un commentaire ad uersum, qui suive de près le texte, sans en évacuer les points difficiles, afin de donner une interprétation d’ensemble de l’œuvre. Les résultats de ma recherche conflueront dans l’édition commentée des Euménides que le Professeur C. Garriga (Université de Barcelone) et moi réalisons pour l’Accademia dei Lincei.

 

(2) Le deuxième axe de recherche que j’ai entrepris d’aborder est l’examen du travail philologique qui s’est appliqué au texte d’Eschyle, du XVIIe siècle jusqu’à nos jours. La nécessité d’une étude critique de ce qu’on appelle la « tradition imprimée » des textes anciens a été affirmée à plusieurs reprises par des chercheurs de différentes orientations, car il paraît désormais acquis que ce qui guide l’intervention des éditeurs est aussi leur horizon culturel, la tradition philologique à laquelle ils appartiennent, en un mot l’ensemble de leurs présupposés, qui préexistent à la lecture du texte et l’orientent vers une certaine direction. En m’insérant dans courant, je me propose donc d’analyser les moments clés de l’histoire de la philologie eschyléenne, dans le but de comprendre ce que l’on attend, aux différentes époques, de la lexis d’Eschyle et de ses personnages.

J’ai commencé par me pencher sur l’histoire des interprétations des Choéphores, une pièce qui se prête particulièrement bien à ce genre d’analyses, aussi bien pour les questions générales qu’elle a soulevées (quel est l’ēthos d’Oreste ? son choix est-il vraiment libre ? etc.) que par ses difficultés philologiques. Puisque la tragédie nous est transmise par le seul Mediceus, et que le ms. est fautif ou lacunaire en plusieurs endroits, la conjecture a en effet une grande place dans les éditions modernes et contemporaines de la pièce, ce qui permet d’examiner un éventail d’interventions riche et varié.

En me centrant toujours sur l’histoire de la philologie eschyléenne, et en particulier sur ses développements au cours du XIXe siècle, j’ai ensuite entrepris des recherches sur les travaux d’Henri Weil (1818-1909). L’analyse détaillée des œuvres de cet interprète se justifie, en effet, à plus d’un titre : tout d’abord, parce que Weil entra en contact, durant ses années de formation en Allemagne, avec deux écoles philologiques opposées, celle de Hermann à Leipzig et celle de Boeckh à Berlin ; en deuxième lieu, parce que le parcours intellectuel de Weil – qui fut exclu du professorat en tant que juif et dut s’expatrier en France – se situe aussi au carrefour entre deux méthodes ‘nationales’ différentes. Sa pratique de l’édition et de l’interprétation des textes anciens porte donc la marque d’un croisement (d’une synthèse ?) entre des traditions éloignées, qu’il paraît important d’explorer.